Accueil Organisations Programmes Souvenirs Annonces Pratique
  Compte-rendus Album Archives Médaillés
Qualifications Introduction Claire Gérard Patrice Thierry Tableau de marche
Album photos         À imprimer (PDF)

Paris Brest Paris 2011

Par Thierry

par Thierry Steiff
http://abeille-cyclotourisme.fr/souvenirs/2011_pbp_thierry.html

C'est le Paris-Brest-Paris du débutant. Il y a un peu plus d'un an, je poussais la porte de l'Abeille Cyclo pour pédaler en groupe le dimanche matin. Ma plus longue sortie était 100 km.

Au printemps, je me laisse entraîner dans les premiers brevets de 200 km, par défi et curiosité. Après 200 km, j'essaie 300 km puis 400 km, impensables ces distances à vélo... Il y aura aussi la flèche Vélocio et le Paris-Limoges.

En mai, je m'intéresse à PBP, "juste" par curiosité, j'épluche les comptes-rendus, en français en anglais, je consulte les forums Internet.

L'envie d'en être est là mais je reste raisonnable : ce brevet réservé aux plus chevronnés des randonneurs cyclistes se mérite, je sens derrière beaucoup de comptes-rendus des années de cyclotourisme, des milliers de kilomètres à parcourir la planète, ce que je ne n'aurais pas avant longtemps. Ce sont les échanges lors du Paris-Limoges Audax et de certains brevets qui achèvent de me convaincre que "c'est possible".

La décision est prise, il faut se préparer et je monte un plan d'entraînement sérieux : l'objectif n'est pas seulement d'être au départ, mais d'avoir tout fait pour être à l'arrivée.

Le point compliqué est le fait qu'il n'est pas sûr qu'il y ait de la place pour tous les inscrits. S'il y a trop d'inscrits, les "anciens" seront prioritaires (en fait ceux ayant fait des brevets en 2010), ce qui m'enlève toute chance. Se motiver pour une longue préparation sans être sûr de pouvoir prendre le départ est impossible. C'est pour cette raison que je m'inscris aussi au Paris-Brest-Paris Audax. je suis ainsi sûr de faire au moins un PBP.

Mon plan de route

Mon expérience est faible, je suis donc très raisonnable. Mon objectif : finir dans les délais sans me faire mal ni me mettre en danger en roulant trop fatigué.

Donc le plan général est le suivant :

Je ne fais pas de plan détaillé avec horaires objectifs à chaque contrôle : les aléas sont trop nombreux. Je ne sais pas sur quelle moyenne horaire je peux compter.

Pour le ravitaillement et le couchage, je privilégie autant que possible l'organisation PBP. Nous sommes 5 membres de l'Abeille Cyclo à partir pour PBP, mais chacun a son plan et fait sa route.

A noter que j'ai accroché à mon casque 2 rubans blancs, signe de reconnaissance des membres du forum Internet «Super Randonneur, l'esprit de la longue distance» (à vélo). Pour la plupart, nous ne nous connaissons pas, n'ayant eu que des échanges virtuels. Les rubans blancs sont un moyen de se reconnaître sur la route.

St Quentin en Yvelines, dimanche 19h15 : le Départ

Le départ est le moment le plus pénible de PBP. En fait, cela doit faire partie de l'Epreuve...

On donne rendez-vous à 3000 personnes à la même heure au même endroit. En ce dimanche après-midi, ils ont chaud, ils ont soif et on leur a annoncé la Terre Promise, au bout de la route, au bord de l'Iroise. Et, on espère qu'ils soient calmes, disciplinés, se divisant spontanément en groupes de 400 et roulant raisonnablement après le départ.

PBP réunifie les peuples, dans une foule, à pieds ou à vélo, les gars de tous les pays savent pousser !

Parmi les nombreux conseils que j'ai entendu : "il faut partir dans les premiers sinon tu ne trouveras personne avec qui rouler". Peut être... les premiers iront plus vite que moi, et rouler à mon rythme est une des choses que j'ai bien l'intention de faire.

A l'entrée dans le stade, il y a une file à l'ombre de la tribune et l'autre fait le tour du stade en plein soleil. Je choisis l'ombre à la lumière.

Après 1 heure et demi d'attente punitive, c'est parti ! Très vite, comme prévu. Encore une vérité humaine inéluctable : ne pas partir trop fort, ce n'est pas raisonnable, il y a 1200 km à faire, il va y avoir des chutes et des accidents. Tout le monde le sait, mais tout le monde part trop fort... et, il y a des accidents....

A un rond point, il n'y a pas la place pour que tout le monde passe et ça freine sec. Un cyclo coince sa pédale contre le trottoir et doit s'arrêter. Je préfère passer en fin de peloton pour anticiper les ralentissements.

Comme ça roule vite, je suis sur les petits pignons que j'utilise le moins d'habitude. Et je constate que ça saute quand j'appuie sur les pédales. J'ai fait changer ma cassette après le PBP Audax, et je n'ai fait que 30 kilomètres depuis. Ce n'est pas grave, mais c'est agaçant, mais j'aurais dû mieux vérifier: je repousse la petite voix qui me dit que je suis mal préparé.

Il fait très très chaud même après 20h. Les bidons se vident tout seuls. A plusieurs reprises, je m'arrête auprès de gens sympathiques qui nous proposent de l'eau.

Vers Châteauneuf-en-Thymerais, je me retrouve dans un peloton derrière une allemande en (vrai) vélo de randonnée avec 2 énormes sacoches, le rythme est bon et ça aspire du tonnerre, j'ai un peu l'impression de faire de la Mobylette pendant 30 km. Ces conditions idéales attirent les convoitises, et deux cyclos me rejoignent. On discute un peu : un québécois et un français. On plaisante un peu en se demandant ce que la dame transporte dans ses sacoches : une tenue de gala pour l'arrivée ? Un tonneau de schnaps ?

Je roule assez vite sur le plat, mais je monte les côtes en souplesse. Un des mes points d'attention sera de ne pas trop solliciter mes genoux qui deviennent douloureux sur les longues distances.

Nous arrivons très vite à Longny-en-Perche et, à sa sortie, l'une des côtes les plus raides du parcours. Beaucoup de cyclos se sont faits surprendre par la pente, et quelques tandems sont arrêtés et ont du mal à redémarrer.

La nuit est tombée et les lampes arrière des cyclos forment une jolie guirlande rouge sur des kilomètres. En se retournant, la guirlande devient blanche.

Mortagne-au-Perche, dimanche 23h30

Pas de contrôle dans ce sens. Je veux faire un arrêt rapide en mangeant un sandwich mais il n'y a plus de pain. Je fais donc une visite au self, je me dis que ce n'est pas une perte de temps, c'est aussi du repos pour mes genoux.

Les sautes de chaîne de mon dérailleur sur certains pignons m'agacent et je finis par essayer de régler en roulant. D'habitude j'y arrive plutôt bien. Mauvaise idée, à faire ça en pleine nuit, je dérègle tout et c'est toute l'indexation qui est perturbée. Dès que j'appuie un peu fort, la chaîne saute.

Vers 4h, je me retrouve à rouler seul. Je vois un cyclo arrêté au bord de la route. Il semble avoir des problèmes mécaniques et il fait noir. Je m'arrête. C'est Luigi (ou GianLuigi). Son feu arrière ne marche plus et ça ne vient pas des piles. Son feu avant n'est pas très violent non plus mais au moins il marche.

Je ne parle pas italien et lui pas français. Nous échangeons en anglais qu'il parle juste un peu. Je lui propose de rouler ensemble jusqu'à Villaines, lui roulant devant et moi lui servant de feu arrière. Il roule vite et je suis derrière sans beaucoup me fatiguer. Il profite de mon feu arrière et moi je profite de ses jambes...

Comme Luigi a une belle moustache, je lui demande en riant s'il ne connaît pas un certain Mario mais la plaisanterie tombe à plat...

Villaines-la-Juhel, lundi 5h50

Je vois qu'il y a un vélociste devant le parc à vélo, je lui confie mon vélo pour qu'il règle mon dérailleur. Pendant ce temps je vais petit-déjeuner au contrôle.

Petit déjeuner agréable, mais en finissant je constate que j'ai perdu un gant. Personne ne l'a vu. C'est contrariant, mais tant pis, en reprenant mon vélo, j'en rachète une paire au vélociste.

En repartant, Luigi me fait signe mais je ne veux pas repartir avec lui, il est trop rapide pour moi et la communication est trop limitée. Je mets mes jambières car si la nuit a été douce, la fraîcheur est bien tombée et mes genoux seront mieux au chaud. Je repars de Villaines le moral à bloc : j'ai bien chaud, j'ai bien mangé, mon vélo marche bien, bonheurs simples...

Je rattrape un petit groupe mais l'ambiance n'est pas sympa. Je comprends que tous les cyclos sont dans le même club et se font la tête. Un membre du groupe finit par me souffler qu'il y a eu une scène de ménage entre le président du club et sa femme. On peut tout faire en pédalant !

Un jour gris s'est levé. Une autre route, un autre groupe...

Un cyclo italien (encore !) me regarde et fait la grimace, il me montre son nez. Je ne saisis pas : je ne comprends ni l'italien parlé, ni l'italien gesticulé. Quelques minutes passent, un cyclo français me regarde et me dit que je saigne du nez. En effet, ça saigne pas mal et j'ai même la manche droite du maillot bien trempée. Je ne m'en étais pas rendu compte avec la sueur.

Le saignement dure malgré mes tentatives... Je décide de m'arrêter un peu dans un petit village, le coeur se calmant ça devrait aider. Après une heure à me presser plus ou moins le nez, ça s'arrête et je repars soulagé. Encore une fois, sur PBP, les petits ennuis augmentent rapidement le stress, mais quand les problèmes sont résolus, on se sent d'un coup très bien.

Fougères, lundi 10h40

Il est un peu tôt pour déjeuner mais comme j'ai petit-déjeuné à 6h00 pourquoi pas ? Repas complet face à un cyclo de Jersey. Je lui demande s'il fait tous les dimanches la même sortie... car l'île n'a pas beaucoup de routes. Il me dit avoir surtout deux circuits. Petite plaisanterie en anglais sur son maillot qui est un "Jersey jersey" (maillot cycliste se disant "jersey" en anglais).

Je manque d'oublier mes lunettes sur la table en repartant. Un gant oublié à Villaines, mes lunettes à Fougères, concentre-toi Thierry, sinon, tu vas rentrer sans vélo...

Je repars de Fougères en discutant avec un cyclo de Brest. C'est Gilles. Il commence à pleuvioter. Après 10 minutes, je lui propose qu'on s'arrête enfiler les impers. Il regarde l'horizon et me dit que c'est inutile, ça devrait se calmer d'ici 1/4 d'heure. Je décide de faire confiance au régional de l'étape et il a raison, la pluie s'arrête bientôt.

A Brest, Gilles prévoit de dormir chez lui et de repartir vers Paris, ce que je trouve amusant : c'est un breton de Brest qui a été à Paris en voiture pour aller à Brest en vélo pour retourner à Paris en vélo pour revenir à Brest en voiture.

Le groupe où nous nous trouvons s'arrête pour une escale technique, je décide de continuer. Je m'arrête suffisamment longtemps aux contrôles, si en plus je m'arrête entre les contrôles, je vais mettre une semaine pour retourner à Paris !

Tinténiac lundi 14h10

Le contrôle me parait brouillon. Je m'arrête quand je vois des vélos garés et des ventes de nourriture, mais en fait le contrôle est plus loin, au fond de la cour.

Quelqu'un m'interpelle, c'est Claire. Je suis à l'Abeille Cyclo depuis un an mais je ne l'ai jamais croisée. Elle a reconnu le maillot Abeille, mais croit que je suis Pascal, bien que de dos elle croyait que c'était Patrice... Bon, c'est sympa de mettre un visage sur son nom, même si elle a du mal à mettre un nom sur le mien. On ne discute pas longtemps, les vélos couchés roulent en groupe et Claire est attendue.

J'absorbe un sandwich/soda assis sur une souche, contemplant le ballet des cyclos colorés qui arrivent et repartent.

Quédillac

Contrôle dit "secret" (en fait tout le monde le savait sauf moi).

Encore une occasion de manger, mais là je ne m'arrête pas longtemps. Je repars avec un cyclo de Montigny-le-Bretonneux. Je lui dis que j'ai fait le brevet de 600 de Montigny et qu'il prépare bien à PBP car il passe dans le Perche et les collines autour de Villaines. Il m'avoue que lui-même n'a pas réussi à le finir, c'était trop dur.

A St-Méen-le-Grand, il m'explique que c'est la ville natale des frères Bobet. On passe devant la mairie et son drôle de clocheton et mon compagnon s'arrête car il y a apparemment un stand de crêpes juste devant. C'est tentant mais je me tiens à ma règle : pas d'arrêt en dehors des contrôles.

Loudéac, lundi 19h00

Quel accueil !

Nous passons entre des barrières sur quelques centaines de mètres. Une foule est penchée sur les barrières et applaudit à chaque cyclo qui passe. J'ai l'impression d'arriver après une étape du tour de France !

L'arrêt est agréable car tout est bien groupé. Dans la queue du self, je discute avec un couple de bénévoles retraîtés, qui m'explique qu'ils se préparent depuis longtemps à ces journées. Je dîne avec les cyclos de Neuilly/Seine, déjà croisés sur les brevets Audax ou aux rallyes de nos clubs respectifs.

Il est encore tôt, il fait bon, je n'ai pas sommeil et je veux aller au moins jusqu'à St-Nicolas-du-Pélem avant de dormir.

Je démarre dans un petit groupe. Après une heure, le temps se couvre et devient sombre. La pluie battante arrive d'un coup et tout le monde s'arrête en urgence pour mettre les habits de pluie. On entend le tonnerre au loin. Nous croisons les premiers cyclos qui reviennent de Brest.

Encore une demi-heure et nous sommes cette fois au milieu de l'orage, la foudre claque et illumine la route de ses éclairs. Je compte les secondes entre les éclairs et le tonnerre. Etant petit, mon grand père me disait que tant qu'il y a 3 secondes, le risque est surtout de se faire mouiller. Et ça mouille bien en effet !

Nous arrivons à Corlay, il pleut tellement qu'on a du mal à voir la route. La pluie fait une sorte de rideau devant les phares. J'ai les pieds trempés mais ma vieille veste en Goretex me protège plutôt bien, j'ai mis la capuche sous le casque, serré tous les cordons et l'eau n'entre pas.

En arrivant à St-Nicolas, un taïwanais devant moi ne voit pas une bordure de trottoir et chute lourdement. Je m'arrête juste à temps. Il ne se relève pas, je lui demande en anglais s'il va bien, il s'assoit difficilement mais il ne répond pas. Il a l'air choqué, assis dans l'eau, mais je ne sais pas s'il va bien, et ne semble pas comprendre ce que je lui dis. Heureusement ses camarades ont rebroussé chemin et viennent s'occuper de lui. Ça parle très vite en chinois et enfin il se relève.

Je quitte les lieux, je suis sous l'orage depuis 2 heures et tout ce que je souhaite, c'est me mettre à l'abri.

En arrivant au couchage/ravitaillement, j'ai 2 cm d'eau dans mes chaussures. La tente montée pour le ravitaillement fait d'énormes poches d'eau et les bénévoles essaient de les vider par en dessous pour éviter un effondrement. L'eau passe sous la tente, et le sol en terre battue est un marécage.

Je mange un peu, du chaud. Je suis trempé et je me sens seul au monde. Je vois d'autres cyclos arriver, le moral général semble bas, ça ne rigole plus.

Je discute avec deux jeunes bénévoles très sympas, le moral revient vite. Ils me disent qu'ils vont aller faire des crêpes, moi je vais aller dormir.

Plus de place. Tous ceux qui sont arrivés sous la pluie ont préféré s'arrêter. Je vais prendre une douche et comme ma tenue est bien mouillée, je me fais une petite lessive. Je fouille un peu et trouve un local vide et j'étends mes affaires à sécher. L'équipe de bénévoles se met en quatre pour trouver des solutions pour que tout le monde puisse dormir et ça fait chaud au coeur. Je me vois proposer un matelas pneumatique à côté de la porte, je prends. Je m'endors et les 4 heures que je m'octroie passent trop vite.

Quand je me lève et vais déjeuner, la pluie ne s'est arrêtée que depuis 30 minutes. Je déjeune de café et des crêpes de "mes" bénévoles du soir.

Je mets un peu de temps à rassembler mes affaires, mais bonne surprise, maillot et cuissard sont secs. Je crains le moment où il va falloir enfiler les chaussures mouillées mais je me dis que c'est comme des chaussons de planche à voile...

Carhaix, mardi 5h20

Je suis surpris d'arriver si vite à Carhaix. Il y a beaucoup moins de relief qu'entre Loudéac et St-Nicolas-du-Pélem. C'est aussi parce que je suis reposé et qu'il ne pleut plus.

Nouveau petit déjeuner à Carhaix mais j'essaie de repartir plus vite que d'habitude, mes genoux n'ayant pas besoin de repos.

La route serpente en montant dans un vallon très boisé et humide. Ça me rappelle mon Morvan natal. J'entends un torrent sous les feuilles (un panneau indique que c'est la Rivière d'Argent), ça donne envie de s'arrêter mais tout est très mouillé et il fait frais.

La bruine s'installe, nous mouillant doucement. J'ai l'impression de ne pas avancer vite, je suis dans des petits groupes, mais personne ne parle.

En commençant à monter le Roc Trévézel, nous entrons dans le brouillard. Il n'y pas plus de 100 mètres de visibilité par moment. C'est difficile de se repérer car on ne voit pas la pente devant soi. On finit par arriver sur le plat en haut du Roc. La visibilité est nulle, et la circulation s'accroît, vite je redescends, mais à un rythme prudent, je ne connais pas la route et le bitume est humide.

Je rattrape un petit groupe, mené par le président fédéral. Je vois un des cyclos du VC Neuilly et en profite pour demander comment ils ont géré l'orage du lundi soir.

C'est Olivier. Il m'explique avoir dormi à mi-chemin dans une pièce mise à disposition par les habitants. On continue à rouler ensemble jusqu'à Brest.

Nous sommes dépassés par une ambulance des pompiers, quelques km plus loin, on voit les pompiers à côté d'un passage à niveau, un cyclo a dû glisser sur les rails humides, ça coupe les conversations pendant quelques minutes, ça pourrait nous arriver et on souhaite que ce ne soit pas grave.

Brest, mardi 11h25

Je suis dans les temps prévus !

L'arrivée sur le pont est assez magique. Olivier a fait ses études à Brest et m'explique le paysage. Par contre, que la route paraît longue jusqu'au contrôle, on a l'impression de tourner en rond (partir à l'Ouest pour revenir au centre à l'Est).

Le contrôle de Brest est éclaté sur plusieurs bâtiments, c'est un peu compliqué... Il faut noter que le parc à vélos est à l'abri, ne pas en déduire qu'il pleut souvent à Brest ! Après avoir mangé chaud, je m'octroie 30 minutes de sieste sur les coudes.

Un bénévole gère comme il peut la longue file d'attente aux toilettes, on discute dans la queue : un allemand dit que sur PBP, le ratio est d'1 WC pour 1000 participants, on compare la manière de dire pipi/caca dans toutes les langues, ça ne vole pas très haut, mais au bout d'un moment tout le monde rigole.

Le début du retour...

Vilaines bosses en sortant de Brest, puis on remonte le Roc Trévézel, la vue est bien meilleure que le matin. C'est roulant, je suis à nouveau avec un groupe d'asiatiques, très irréguliers : tantôt ils traînent et je les double, puis ils se mettent debout sur les pédales et foncent sur 300 mètres, puis ralentissent de nouveau.

Un groupe composé d'une jolie américaine suivie d'un groupe d'italiens nous double et j'en profite pour changer de groupe. C'est le moment de se rappeler que si je suis imperméable à l'italien, je parle couramment anglais !

Après la descente, je suis interpellé par un "ruban blanc", qui a vu les miens sur mon casque. C'est Michael. Michael est breton (décidément je  "roule" breton) et c'est son 2ème PBP. On discute bien et on pédale au même rythme.

Carhaix, mardi 18h00

Ce n'est pas l'heure mais nous avons faim. Nous achetons 2 sandwiches chacun pour éviter la queue du self et allons les manger dans la salle.

Je croise Patrice, qui me dit qu'il ne sera pas dans les délais. Cela m'inquiète car il est parti peu de temps avant moi. Me serais-je trompé dans mes calculs ? Je recalcule dans ma tête vite fait les délais et ça me semble bon.

A St-Nicolas-du-Pélem, on ne s'arrête pas, et on attaque les bosses jusqu'à Loudéac. Elles sont moins humides qu'à l'aller mais ça monte aussi dans ce sens !

Loudéac, mardi 23h30

Ce contrôle est vraiment bien organisé.

Dîner rapide, douche rapide, nuit rapide (4 heures)... J'apprécie d'avoir avec moi des boules pour les oreilles et un masque sur les yeux.

Je quitte Michael qui va dormir dans sa voiture, sa femme le suit sur les étapes bretonnes. Nous convenons de repartir à 4 heures. Je me réveille juste à temps et vais petit déjeuner.

A 4h00, pas de Michaël, je discute avec 2 bénévoles et à 4h15, je pars. Je roule avec un groupe d'allemands efficaces et silencieux. Efficaces : ça roule bien en ligne et les relais sont réguliers. Silencieux : après un moment ça me pèse, d'autant qu'il est tôt et que j'ai un peu de mal à me réveiller. Je prends quelques relais, mais ce n'est pas mon point fort et je perturbe plus que je ne contribue, ensuite je reste en queue du groupe.

Illifaut & Quédillac

Un contrôle secret à Illifaut, puis passage à Quédillac, cela rythme la 1ère partie de journée. Le défaut est qu'on discute et mange un peu à chaque fois. A 7h00, un barbecue de saucisses est déjà allumé emplissant l'air de l'aube d'une odeur de cochon grillé.

Tinténiac, mercredi 9h15

Je fais (encore) la queue aux toilettes, j'achète un sandwich et un soda à manger plus loin (je découvre que je me sens mieux quand j'ai un repas d'avance dans ma sacoche, allez analyser ça...)

Je repars, je me sens bien, le soleil arrive, le bonheur...

Je rattrape une jeune femme anglaise (selon le petit drapeau qui orne son vélo) roulant lentement, apparemment en difficulté. Je lui demande si ça va. Pas fameux, elle a pris froid sous les orages, a du mal à s'alimenter depuis et ne se sent pas très bien. C'est Denise. On roule ensemble en discutant, ça passe le temps et ça lui fait penser à autre chose.

On travaille dans des domaines assez proches et j'ai travaillé en Angleterre il y a quelques années, elle vient assez souvent à Paris, ça en fait des sujets de conversations !

Arrêt pharmacie, arrêt boulangerie/café... Je regarde mon compteur un peu inquiet, mais on ne traîne pas tant que ça, en fait, on tient ma moyenne. Si Denise était en forme, je n'aurais pas pu la suivre !

Fougères, mercredi 13h00

Contrôle avec Denise. J'y croise quelques minutes Claire qui me semble en forme mais un peu blasée. Pendant ce temps, Denise a rempli mes bidons : épatantes ces anglaises !

Denise m'invite à manger à son POS (Point Of Support). En fait, elle est venue en bus dans une sorte de voyage organisé et aux étapes principales, le bus est stationné et ils ont à manger à disposition. Avantages : ne pas attendre au self et manger "anglais".

On repart plus rapidement, je prends les relais sur le plat et la fait passer devant dans les montées. Une nouvelle rencontre Rubans Blancs : je croise "Tandem breton" (Marc & Magaly) que je ne connais que par le forum mais qui connaissent l'Abeille.

Vers Gorron, quelqu'un m'appelle du bord de la route, je m'arrête rapidement c'est Michaël qui m'a vu passer. Je laisse partir Denise pensant la rattraper plus tard. Je repars avec Michael mais on ne la reverra pas. Je roule avec Michael, Marc et Magaly en discutant. Le mal de fesses et les moyens de le combattre devient un sujet de conversation important... mais à éviter, il vaut mieux penser à autre chose !

Villaines-la-Juhel, mercredi 18h55

Accueil super sympa, il est 19h, on sent la mobilisation de toute la ville autour du PBP. Les bénévoles sont au petit soin. Je suis content de croiser Jean-Yves, du club de Laval, avec qui j'ai fait le Paris-Limoges Audax et qui a beaucoup roulé avec moi dans le gruppetto lors du PBP Audax d'août. Il est juste venu voir passer les cyclos en voisin.

Quand j'arrive au self, accueil VIP, tout le monde s'écarte pour me laisse passer plus vite (comme si j'étais pressé !). En mangeant, je suis forcé d'entendre un cyclo à grande gueule à côté de moi qui affirme à ces potes que c'est mal barré pour ceux qui sont encore là et qui sont partis à 18h de St Quentin (d'abord il le sait mieux que personne, il a déjà fait 5 PBP). Je n'en crois pas un mot... mais je refais quand même mes petits calculs avec Michaël.

La route nocturne jusqu'à Mortagne me parait longue, mais je me sens bien. La dernière côte à l'arrivée à Mortagne fait mal à beaucoup de monde, mais je suis en forme.

Mortagne-au-Perche, jeudi 2h30

Nous n'avons que quelques heures d'avance sur le délai maximum, ce qui ne permet pas de s'arrêter dormir. En gardant une heure d'avance pour couvrir les aléas, nous pourrons dormir un peu à chaque contrôle. Après manger, une heure de sieste sur les coudes. C'est dur de redémarrer mais nous sommes plus en forme qu'en arrivant et nous décidons d'aller plus vite pour nous réveiller.

Nous accélérons dans les collines du Perche et jusqu'après Longny, montant à un bon rythme et faisant les descentes. L'adrénaline calme les douleurs aux fesses.

Il y a des cyclos dormeurs derrière chaque arbre, certains vraiment très près de la route, mais dans l'ensemble on les voit de loin.

Avant Dreux, le jour se lève, tout gris, cela devient plat, la route est granuleuse et monotone, j'ai mal aux fesses. J'ai l'impression que le vélo n'avance plus beaucoup. Michaël me secoue un peu et je respire plus fort l'air frais du petit matin pour me relancer.

Dreux, jeudi 8h00

Arrêt petit déjeuner rapide puis mini-sieste assise. Michaël demande à l'infirmerie s'il existe un remède contre le mal aux fesses. Apparemment pas de miracles...

Après quelques kilomètres sur une petite route longeant la N12, on est accompagné par un cyclo sympa de Rambouillet en manque de bavardage et qui fait son petit tour. On papote en roulant, ça nous maintient éveillés. Il connaît Joël, un cyclo de Rambouillet avec qui j'ai fait le PBP Audax il y a 2 semaines et qui a fait Paris-Pékin avec Claude Morel. Il nous tient compagnie jusqu'à Montfort-l'Amaury puis tourne au sud pour rentrer.

Dans la côte de Gambaiseuil, je sens la fatigue accumulée dans mes genoux douloureux. Je préfère ralentir pour mouliner, ce n'est pas le moment de se faire mal.

St-Quentin-en-Yvelines, jeudi 12h00, l'Arrivée

La traversée de l'agglomération est très longue, nous sommes en semaine et il y a de la circulation. Un regroupement se forme et on arrive tranquillement au stade des Droits de l'Homme en peloton. Il est midi et nous avons gardé notre heure d'avance.

Je croise Claire, Patrice, et quelques connaissances des brevets Audax. Je suis content d'avoir réussi, je vais bien mais je n'ai pas très envie d'en parler. Je me sens engourdi, et le bruit dans le stade m'assaille de manière désagréable.

La motivation qui m'a poussé pendant les brevets et les entraînements, sous le soleil et la pluie, m'a tenu éveillé 4 jours avec 9 heures de sommeil est retombée brutalement à l'arrivée. Je voulais boire un verre avec Michaël pour fêter notre succès mais je ne le vois plus. Trop de monde, trop de bruit, trop de vélos. Je veux rentrer à la maison.

Je ne suis qu'à 15 km de Rueil-Malmaison en voiture. Je n'arrive pas à les faire d'une traite : à 6 km de la maison, je dois me garer pour dormir une heure. Je mettrais ainsi 1h30 pour faire 15 km, une moyenne de cycliste...

Mon compteur indique que je n'ai pédalé "que" 60 heures sur les 89 heures de mon PBP. J'ai aussi dormi 9 heures.

Mais qu'ai-je fait des 20 heures restantes ? Je me suis très peu arrêté en dehors des contrôles officiels, mais par contre j'ai fait une bonne pause à chacun, ça fait presque 1h20 à chaque fois !

A chaque étape : garer le vélo, le vérifier, pointer au contrôle, acheter à manger, manger plus ou moins, faire la queue aux toilettes, discuter avec les bénévoles, remplir les bidons...

J'ai dû bavarder plus que je ne le pensais, mais c'était aussi du temps de repos, et c'est grâce à ces pauses que mes genoux ont tenu.

Au delà de mes 300 000 tours de pédales, ce sont les rencontres, les petites peurs et les réconforts qui restent.

PBP est certes une aventure sportive mais surtout humaine, remettant en valeur des sensations habituellement anesthésiées par notre société du moindre effort et de la carte bancaire.

Thierry Streiff


"Le Cyclotourisme, un art de vivre"