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Promenade en Périgord sur VK2

Avril 2010

par Patrice Micolon
http://abeille-cyclotourisme.fr/souvenirs/2010_promenade_en_perigord.html

Après le succès de la première grande aventure en VK2 (faire 50 kilomètres sans chuter), il est temps d'aborder la seconde: le VK2 est-il un engin de voyage? C'est ce que nous essaierons de voir en cette semaine de Pâques. La pointe arrière est remplie du capharnaüm rituel, et un boudin étanche fixé sous un côté du dossier fait l'affaire. Pour ne plus y revenir, tout se passera parfaitement. Pas de perte de l'objet en pleine descente, pas de sangles baladeuses qui vont se prendre dans la roue-libre, pas d'infiltration inopportunes lors de la longue journée de pluie du mercredi.

Le GPS a enfin trouvé sa place. Bien au centre, et devant les câbles (parce que derrière, on ne voit pas l'écran). La bôme a été raccourcie de quinze bons millimètres d'un coup (et pas deux millimètres par deux millimètres, je fais donc fi comme à l'habitude des conseils de prudence les plus élémentaires).

La couche de mousse qui manquait sur le siège au niveau des fesses a été mise en place. Moyennant quoi je regrette que ledit siège ne soit pas démontable sur le VK2, autrement il m'accompagnerait tous les jours au bureau.

La pommade pour change premier âge de chez Uriage (la meilleure) a été approvisionnée. Quand la pharmacienne vous demande "quel âge, le bébé? et si on s'est bien entraîné avant, on répond avec un détachement frisant la désinvolture, et sans l'ombre d'un sourire "57 ans". Et on se dispense d'ajouter: "Mais vous savez, il ne fait plus dans ses couches. Ou bien pas encore".

L'objet n'est pas plus incommode à transporter dans le métro qu'un vélo avec ses sacoches. Les sas d'accès sont trop courts, il faut tenir la bête à la verticale, de toutes façons le fonctionnaire chargé d'ouvrir le sas n'est pas à son poste. Donc on passe comme d'habitude les tourniquets, espérant ne pas rester coincé. Le rangement des vélos dans le Teoz ne pose aucun problème, la roue avant est sur le crochet et la roue arrière colle au plancher.

Nous voici donc arrivés à Nexon, un peu en dessous de Limoges. Je n'ai pas voulu tenter la sortie de la métropole depuis la gare. Tout de suite, ce sont des raidillons significativement plus longs que ceux de la vallée de Chevreuse. Le GPS paraît flageolant, ce qui me donne l'occasion de lui fulminer quelques anathèmes de niveau 5 ou 6. Pour fixer les idées, le niveau zéro donnerait "les dysfonctionnements de l'objet m'indisposent", et le niveau 1: "cette charogne me pourrit l'existence". Mais comme il arrive souvent, c'est lui qui a raison. Naturellement, le fait d'être en tort n'a jamais empêché de récriminer. Il faudrait ne pas avoir eu de vie de couple pour prétendre le contraire.

Après le croisement de la N 21 à Furbex (je ne le précise que parce que je l'ai, pour d'assez mystérieuses raisons, noté sur mon carnet, peut-être pensai-je monnayer un nom de médicament générique), c'est tout plat. Une belle descente sur Saint Pardoux la rivière et je longe la Dronne jusqu'à Brantôme, terme de cette demi-étape (70 kms).

Je visite enfin Brantôme. Les autres fois, c'était plutôt en coup de vent. Il est toujours bon de connaître d'une ville un peu plus que le bistro où on fait tamponner sa carte BPF. Dîner dans le seul restaurant ouvert en ce lundi de Pâques. Bon mais chichiteux. Je suis toujours un peu en déficit d'enthousiasme devant des assiettes grandes comme des plateaux de baby-foot, dans lesquelles on trouve au centre le pavé de cabillaud, à 20 cm au nord ouest une cuiller de purée de pommes de terre, 40 cm à l'est deux bouts d'asperges en croix, au sud quatre cubes de carottes et trois feuilles de mâche.

Mardi, Brantôme-Monpazier (130 kms), malgré le beau soleil, il fait vraiment froid ce matin. Dans la vallée de la Dronne, la lumière jouant avec l'eau et les falaises est superbe. Je vais jouer à saute-mouton avec les vallées toute la matinée. Alors Il n'y a que deux choses à faire à l'approche des côtes: passer le 28x30, et s'encourager à coup de "en voiture Simone" ou "Roule ma poule" (en privé, je n'hésite jamais à me dispenser à moi-même des petites marques d'affection).

C'est bientôt l'heure du repas. A Villamblard, je déniche un de ces restaurants ouvriers à 11 euros tout compris dont le souvenir à vocation à rester gravé dans les mémoires. D'abord, il était visible que les fonctionnaires de la DDE des quatre départements environnants s'étaient donnés rendez-vous là. Bon, je trouve une petite place. En sortant, je me sentais comme un certain manque de vivacité dans les côtes. A quoi attribuer cela? Certainement pas à l'engloutissement d'une pleine soupière de soupe de légumes au bouillon de viande finement épicé. Pas à l'énorme tranche de fromage de tête, non plus qu'au plat de gigot d'agneau aux flageolets. A l'assiette de fromage? Douteux. Pas au Crumble, quand même. Quand au quart de Bergerac, il avait vocation à passer tout seul. Le mystère reste entier. Ou alors c'est le café. Trop sucré?

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Tout ceci nous conduit à Bergerac, puis dans une homérique ascension à deux chevrons, à Monbazillac. C'est dans la côte que le mystère du "ting-ting" s'éclaircit. Ce bruit de clarines ne se manifestait que dans les côtes, ce qui m'a conduit à un abîme de réflexions sur la raison qui poussait les gens du cru à parquer leurs vaches le long des côtes, et pas le long des descentes ou sur le plat. D'autant plus qu'ils paraissaient bien caché, les troupeaux. En fait c'était un rayon sectionné au niveau de la jante, qui jouait du triangle sur les voisins. Le problème qui se pose alors: Comment réparer une roue de 20 pouces quand on n'a que des rayons de rechange de 700? Très simple, il suffit de faire un noeud au bon endroit. (Aux dernières nouvelles, la réparation a superbement tenu le 200 de Mours).

La journée se termine par un pointage à la bastide Villeréal, et par un autre à Monpazier, terme de l'étape. La place centrale de Monpazier, éclairée de nuit, déclenche l'enthousiasme.

Changement temps pour l'étape du lendemain (Monpazier Rocamadour, 80 kms). La pluie démarre en même temps que moi. Du coup, exit le pointage des Eyzies de Tayac. Le Périgord est suffisamment attrayant pour qu'on n'hésite pas à envisager d'y revenir. Au fond, c'est l'avantage de voyager tout seul. En groupe, il y en a toujours un pour lancer avec l'air suffisant et content de soi un truisme façon "on dit ce qu'on fait, et on fait ce qu'on dit", tel un qualiticien d'entreprise bas de gamme et qui entraîne tout le groupe là où aucun de ses membres ne voulait aller à titre personnel. C'est au fond une démarche consistant à se tailler une toge de vertu avec le Gore-tex des autres. Bref, en route pour Domme, sans avoir à se justifier devant quiconque. Sur place, on se requinque à coup de confit de canard et de Bergerac, avant d'attaquer la série de raidillons à 10% qui suit. Les côtes se suivent, le paysage devient typique des causses: très minéral, une végétation plutôt gris-vert, les troncs des chênes très sombres...

Je suis accompagné des bruits variés du VK2. C'est curieux que mes vélos finissent en peu de temps par avoir l'air négligé, voire débraillé. Ce n'est pourtant pas faute de m'en occuper, mais les pignons finissent toujours par craquer, le pédalier par claquer, la chaîne par couiner, les pédales par grincer et les freins par frotter. C'est pareil avec le Singer.

C'est enfin la plongée sur Rocamadour. On discutera sans fin sur les mérites comparés de Rocamadour et du Mont Saint Michel, mais une chose est certaine: le Mont, placé là où il est, on le voit venir de loin. Mais Rocamadour du fond de son vallon, vous saute en quelque sorte à la figure au tout dernier moment, et apparaît alors dans toute sa majesté.

Le lendemain, mauvaise surprise au départ: une côte à 10%. C'est d'ailleurs strictement le pendant de la bonne surprise de la veille au soir: une descente à 10%. Bref, le petit déjeuner était-il un peu trop lourd, ou bien dois-je incriminer le confit de la veille à midi (à mon initiative), ou bien celui de la veille au soir (à l'initiative de l'hôtelier, le confit figurant dans le menu de la demi-pension. On a fait face)? En résumé, quelques grands mouvements de guidon se sont terminés par une très prévisible chute, en dépit de mon pari avec moi-même de ne pas tomber de la semaine (il est vrai que j'avais parié un confit de canard...). Je me remets d'aplomb, et ma dignité aussi, mais un peu plus tard. A noter que ce qui est intéressant pour les spectateurs d'une chute en vélo couché, ce n'est pas la chute proprement dite, mais la tronche du type les jambes empêtrées dans son cadre, qui pendant une demi-minute essaie de redresser le tout en tentant de soulever le guidon. Autant vouloir entrer en lévitation en se tirant soi-même par les cheveux.

La suite de la journée est plus calme: Padirac, descente sur la vallée de la Dordogne, déjeuner à Argentat (steak frites, il faut savoir revenir aux fondamentaux), Puis on attaque le Cantal (le département) et après une ascension assez musclée c'est Mauriac, étape du soir dans un deux étoiles absolument hors pair.

Le temps s'est franchement remis au beau pour l'étape Mauriac-Uzerche (110 kms). Descente sur la vallée de la Dordogne. Petit dépannage de chaudière par téléphone. Le réseau a disparu au moment où je m'apprêtais à dire aux enfants "surtout, n'oubliez pas de fermer les deux robinets". Le réseau est réapparu dix kilomètres plus loin. En synthèse: "on passe la serpillère". Le fond de la vallée est un lac retenu par le barrage de Laigle. Pas autre chose que l'eau, les arbres, la route et moi. Et aussi le chant des oiseaux et les craquements de la bôme en carbone du VK2. La remontée de l'autre côté est longue, mais l'entraînement commence à porter ses fruits.

Pour le reste de la journée, c'est comme d'habitude: les montées un peu poussives, les descentes à 55km/h au ras du sol avec le bruit du vent dans les oreilles, et toujours ces paysages superbes. Uzerche est l'étape du soir.

Le lendemain, c'est Uzerche-Brive, petite étape au terme de laquelle je reprends le train pour Paris. Un pointage à Voutezac, et je rejoins la gare où j'ai donné rendez-vous à une amie pas vue depuis 25 ans. Evidemment, quand une conversation commence par "Tu as eu des enfants?", on redoute un peu que l'heure dont nous disposons ne suffira pas. Au téléphone la veille, je lui avais fait un tableau peu ragoûtant de moi-même à base de calvitie et d'embonpoint qui ne correspond tout de même pas à ce point à la réalité. Le but de cette glauque maneuvre? entendre, sous l'effet d'une (relative) bonne surprise: "tu n'as pas tellement changé...". Ce qui fut dit. Merci Caroline. Toi, tu n'as vraiment pas changé. Et voila comment on rentre à Paris avec le sourire!

Patrice Micolon


"Le Cyclotourisme, un art de vivre"