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Voyage itinérant de Grenoble à Gap par Barcelonnette

dont un double défi des Fondus de l'Ubaye en catégorie "poussins" (4 cols, une dictée)
du 25 au 29 juin 2008 (681 km en 5 jours)

par Jean-Pierre Smith
http://abeille-cyclotourisme.chez.tiscali.fr/souvenirs/2008_dfu_grenoble_gap.html

Depuis que Claire m'avait, sans trop de difficulté, vendu l'idée d'oser tenter cette année le défi des fondus de l'Ubaye ("DFU", voir la plaquette 2008) à Barcelonnette en catégorie "Maître" (5 cols soit 5360 m à monter), voire "Grand Maître" (7 cols soit 6930 m), je m'étais mis en tête d'en profiter pour pointer la Bérarde (au Nord des Écrins), le Gioberney (au Sud des Écrins) et d'autres BPF rares des Alpes au cours d'un voyage itinérant qui m'aurait amené à Barcelonnette à vélo à la veille du départ du DFU. Après que Claire ait laissé tomber ce projet immense pour cette année, j'avais fait de même, avais bien tenté pourtant de prévoir un diverticules par la Bérarde sur la flèche Paris-Marseille, mais c'était trop demander à ce parcours qui longe la Bérarde par la plaine de la Limagne, soit 300 km plus à l'Ouest !

J'ai donc finalement repris ce projet de DFU, mais réduit (comme le font les Jivaros) en simple (?) reconnaissance, en choisissant donc prudemment la catégorie "Poussins" (dite aussi "Membre" par les organisateurs, soit 4200 m seulement à monter), mais en lui adjoignant sur place la redoutable dictée de Pivot pour faire quand-même bon poids. Les choses sérieuses restant, comme il convient, pour l'an prochain (année du magistral London-Edimburgh-London: 1400 km en 116 h 40').

Mardi 24 juin: De Rueil Malmaison à Grenoble

Juste après le pot de départ de Jean-Paul, avancé à 17 heures pour l'occasion, transformé, comme Goldorak, en "cyclo" dans les toilettes (dans l'attente du vestiaire que Stéphanie nous construira bientôt pour améliorer le bilan carbone de la société), je file à vélo au RER de Rueil, puis de là à la gare de Lyon pour prendre le TGV de 19h46, le seul train de la journée qui prenne les vélos. En effet, le train de nuit Corail Lunea de Chambéry ne marche que pendant les vacances. Christian m'avait prévenu: du fait de pannes multiples sur la ligne à Voiron, ce fier TGV n'arrivera qu'à minuit 30, ce qui me mettra à la porte, fermée à cette heure, de l'auberge de jeunesse de Grenoble à 1 heure du matin. C'est aux lois sur le tabac que je dois de pouvoir entrer (un fumeur esseulé, dehors, à cette heure, m'ouvrira). Le veilleur de nuit était devant le foot, à la télé.

Mercredi 25 juin: De Grenoble au col d'Ornon par la Bérarde (130 km)

Manquant de sommeil dès le départ, je ne quitte l'AJ qu'à 9h30, après toutefois un excellent petit déj. J'ai osé ne pas prendre le chemin recommandé par Uriage et, tout de suite, la route plate de la carte monte à 10% vers un col situé juste après Bresson vers le Golf : une route maintenant fermée aux voitures et donc non signalée, que m'indique un autochtone qui roulait par là.

À Vizille, je prends la route Napoléon vers Laffrey (BPF 38). Ca monte, il fait très chaud, c'est au soleil, il y a du goudronnage dans l'air et c'est très moche. Pour monter à Laffrey (car ça monte), il faut partir de Séchilienne, qu'on se le dise. Laffrey est un BPF qui porte bien son nom: affreux, rien à voir, n'en déplaise au guide cyclo. Je file donc vers Séchilienne par la superbe descente à flanc de coteau, à l'ombre, dans la forêt. Je remonte alors la vallée de la Romanche dans une chaleur de plomb jusqu'à Bourg d'Oisans.

La Berarde
Le pointage de la Bérarde est magique
La
          Berarde
La Bérarde, c'est tout sauf plat. Le Veneon est en bas

Je prends enfin la route à droite, sacoches et tente déposés dans un bistrot compatissant et intéressé au chiffre d'affaires résultant. La route est longue, monte et est en cours de bitumage (ça deviendra une habitude). Le pointage de la Bérarde (BPF 38) est magique. Quelques rares cartes postales de première nécessité, les seules, d'ailleurs, dans ce voyage de brute. Entre coca et bière, on trouve le 1/2 panaché. 1/2 panaché, donc, en pointant le BPF et en rédigeant les cartes avant de redescendre vers mon bistrot d'en bas. Au bistrot, il est 18h30 et j'avais prévu l'étape à Corps, loin dans la vallée du Drac, de l'autre coté de deux cols... Sans espoir. Dîner, donc, dans une pizzeria conseillée par la boulangère de Bourg d'Oisans. Tous affirment qu'à défaut de camping, il y aurait un gîte ouvert au col d'Ornon sur la route qui mène à la vallée du Drac (la Mure et son train de la mine).

Gite le
          Chamois
Gîte "Le Chamois", col d'Ornon

Attaque, donc, du col d'Ornon (1371 m) à la nuit tombante (20h00). En haut, il y a deux gîtes, tous deux fermés, et pas de camping. Une passante interrogée (chance, c'est la propriétaire d'un des deux gîtes) consent à ouvrir son gîte pour la nuit du moment que j'ai dîné. Elle avait prévu de fermer cette nuit, en prévision des 5 mois ininterrompus d'ouverture qui l'attendaient. En fait de camping, je suis donc dans une chambre tout confort sur un drap, dans mon sac à viande et sous une couverture. Petit déj le lendemain matin, pas cher: une excellente adresse, indiquée en fait sur le guide cyclo que je n'avais pas consulté.

Jeudi 26 juin: Du col d'Ornon à St Firmin par ND de la Salette et le refuge du Gioberney (143 km)

ND de la
          Salette
Oratoire de Notre Dame de la Salette

Tôt le matin cette fois, je descends dans le brouillard, inhabituel en cette saison. Peu avant Valbonnais, je prends à gauche pour une montée monstrueuse (10 à 12% quand-même) sur une route minuscule vers un col non identifié (identifié: "le Parquetout", 1382m), mais haut, très haut... Je tente même en haut, pour refaire mon retard, de prendre un muletier fléché pour les marcheurs vers ND de la Salette en 7 km, mais je dois rebrousser chemin après 1 km sur les 7 : le chemin qui suit est infranchissable, même en poussant le vélo. Puis montagnes russes et descente vers le col de l'Holme (1207 m) et au-delà vers Corps. Arrivée tardive (midi), enfin, dans cette ville de Corps bâtie sur un lac de barrage et célèbre ville étape de Napoléon ! Pas le temps d'attendre. Je laisse mes affaires au magnifique hôtel de la Poste de Corps (un bien bel endroit pour manger) et me lance sans plus attendre dans l'ascension vers l'oratoire de Notre Dame de la Salette (1650 m, BPF 38). Montée magnifique, pas trop raide en dépit des deux chevrons annoncés par Michelin, et oratoire magnifique en haut, dédié à la vierge. C'est rempli de pèlerins Polonais, en haut. Pour 11 EUR, plus 2EUR de carte d'adhérent pour un an, je déjeune au restaurant des pélerins un énorme repas copieux à souhait, servi par une lithuanienne qui vient d'arriver et ne parle que sa langue et l'anglais. Sitôt fini, redescente vers la fournaise de Corps et un bon café, servi avec des tuiles exceptionnelles, sur la terrasse de l'hôtel de la Poste. Une adresse à recommander.

Gioberney
Pour arriver au Gioberney, on finit à 13-15%

Route des coteaux (D58) vers St Firmin et montée, alors que le soir arrive déjà, vers le refuge du Gioberney (1700 m, BPF 05). Je confie sacoches et tente à la patronne d'un bistrot à Villar-Loubière, passe alors la Chapelle en Valgaudemar et attaque les dernière rampes peu après. Les 5 derniers kilomètres, accrochés à flanc de coteau et encore en plein soleil, sont monstrueux. Dans les derniers 500 mètres, enfin à l'ombre, on finit à 13-15% sur un très mauvais revêtement. On le sentira à la descente. Le refuge vaut le déplacement, et les Écrins vus de là sont magnifiques. La Bérarde est juste de l'autre coté, à deux jours de marche par un col et un glacier sur la face Nord des sommets de l'Ailefroide. Un 1/2 panaché, une gaufre, un tampon et c'est la descente vers le bistrot, avec Gore-Tex pour couper le vent froid de cette altitude. L'ombre est maintenant partout, il est 18h30 quand je rejoins mon bistrot. Je devais aller jusqu'à Chorges, de l'autre coté du col de Manse, au bord du lac de Serre-Ponçon. Tant pis, je descends à St Firmin pour la nuit. Dîner à l'unique hôtel et camping au bord du torrent.

Vendredi 27 juin: De St Firmin à Barcelonnette par l'Abbaye du Boscodon (126 km)

Toujours personne au camping. Je laisse 5EUR sur la chaise de la responsable qui, manifestement, ne s'intéresse pas à la recette du camping dont elle a la charge, sous une pierre plate... Petit déj au reto d'hier soir et départ par la route du coteau vers St Bonnet. Là, la route des coteaux du Drac est difficile à trouver et le village, en pente, rempli de sens interdits punitifs. Montée du col de Manse (1268 m) à l'ombre, souvenir, en sens inverse, de la route préalpine de Rossini parcourue en août 2006 avec Henri, Christian et Claudine. Descente sur les chapeaux de roues vers Chorges (l'étape prévue) où je quitte le magnifique tracé de la Préalpine pour descendre une très belle route en corniche (ne pas la monter, du fait de la circulation) avec le lac de Serre-Ponçon à main droite.

Pique-nique-sieste
Superbe lieu pique-nique-sieste avec vue sur le lac

Superbe pique-nique-sieste, enfin, dans une aire de repos ombragée et engazonnée avec vue sur le lac. C'est l'avantage des grandes routes. C'est magique. Après la sieste, je poursuis 4 à 5 km sur cette voie chargée de trafic mais incontournable, passe le pont de Savines et traverse Savines le lac, jusqu'à l'embranchement à droite vers l'Abbaye du Boscodon (BPF 05).

Boscodon
Abbaye de Boscodon

Montée, alors, en pleine pente et en pleine chaleur, vers l'abbaye. Les lieux sont réputés pour leurs parcours VTT. Je pointe enfin mon BPF, que j'avais déjà pointé lors de la 1 + 1 semaine de Guy, mais j'avais égaré le carton. Le bon coté des lieux de culte est qu'ils sont tenus par des religieux, toujours sympathiques.

Il est maintenant 14h00 et je devrais être à Barcelonnette pour m'inscrire et buller. Je téléphone à l'organisateur du DFU. J'y serai à 18h00. Ils ferment la permanence à 20h00. Deux heures de marge suite à ces trois jours non-stop. Il n'a même pas été nécessaire de rouler la nuit...

Route, sans surprise, le long du lac. Je rejoins le parcours du DFU à la descente du col de Pontis. Un long passage goudronné du jour me colle à la route. Pourvu que l'enrobé ait séché demain après la nuit. Je reconnais les points d'eau et les (rares) boulangeries.

Complice
          des inscriptions
À gauche, ma complice des inscriptions

À 18 heures pétantes, après des courses de précaution au Super U de Barcelonnette, je m'inscris au DFU en catégorie Poussin. Ma complice, qui tient l'ordinateur et la base de donnée des inscrits, me révèle l'existence d'un usurpateur qui habite aussi rue de la Ferme, mais pas aux Alluets. Elle m'attribue le N° magique 77 et surtout un sourire. Naturellement, tous veulent m'inscrire sur le "7 cols dit grand Maître" car je suis le seul à arriver à vélo. NON, je ferai la version "Poussin", avec 4 cols dont la Bonnette, seulement... C'est juste une reconnaissance pour l'an prochain, où une nuée entière d'abeilles viendra certainement... Il faut le croire. Je file au 1er camping à 400 m de la permanence sur la route d'Allos et plante la tente juste avant la nuit à coté de celle d'un autre participant et de sympathiques vacanciers qui me prêteront un bout de leur corde à linge et des pinces pour mon linge de vélo. Le patron du camping est habitué, et sympa. Il comprend mais ne sera pas levé demain matin à 4h30.

Dîner de pâtes, raté (il y a de l'ail, des champignons et autres machins indigestes dans la sauce de ce plat dont le patron m'offre un second service...), dans un resto recommandé par l'organisateur. En fait, ils n'organisent pas de pasta-party la veille du départ, et ça manque. Le dîner sera un point à améliorer l'an prochain. Ensuite, Dr Olive, fait rarissime, fait un strip-tease presque intégral. Je lui enlève tous ses chargements dont son porte-bagages arrière et ses porte-sacoches surbaissées avant. Ca libère aussi la souplesse de la fourche. Il ne lui reste plus qu'un minuscule cache-sexe pour porter la sacoche avant (quand-même !). Tous les autres participants (presque) ont des vélos de course en carbone avec chaussures fermées à cales à appui large qui font marcher comme un canard. Ils me regardent avec amitié et commisération, comme on regarde un demeuré. Qu'importe, Dr Olive n'a jamais été si léger. Je stocke 3 gâteaux de riz géants la Laitière dans la tente (1 le soir après dîner et douche, 1 le matin et 1 avant la montée d'Allos), un ou deux mini-gâteaux de semoule pour rire et un taboulé dans la sacoche pour le haut de St Jean et le haut d'Allos (digestion dans la descente). Je n'ai pas d'Overstim's sauf une ration de Spordej pour le matin. C'est une erreur, il faut un Gâtosport amélioré "Tandem Breton" et plein de sachets d'hydrixir pour rouler. J'y penserai l'an prochain. Deux grands bidons : tant pis pour le poids, on le vaut bien !

Au lit et en vitesse. Pour une fois le camping n'est pas en remblai et les piquets sont entrés comme dans du beurre. Et pas de cailloux sous le matelas auto-gonflant. Quel confort. Demain réveil à 4h30 (Aaaaargh !)

Samedi 28 juin: Bi-défi des Fondus de l'Ubaye, en catégorie "Poussins", avec la dictée tant redoutée (206 km)

Première partie: Pontis et St Jean

Dur-dur le lever à 4h30 du matin. Le patron du camping dort encore. Rituel matinal sans y penser (c'est là qu'il faut avoir bâti des habitudes), enduisage de crème solaire spécial "peau d'anglais", préparation minutieuse de sacoche pour Pontis et St Jean, Spordej dans le mini-bidon offert par l'organisation et gâteau de riz géant. En fait, pour l'été prochain, il faut ÉNORMÉMENT manger, surtout sans oublier crudités et fruits. Compter pour 5 cols 3 gâteaux de riz géants (départ, avant Allos, avant Bonnette) et au moins deux taboulés (un le matin entre Pontis, Allos et Cayolle et un l'après-midi entre Bonnette et Vars), plus d'autres trucs moins consistants. Penser à Hydrixir et St Yorre (un pour un). Proscrire l'eau plate sauf en secours. Bidons AV et AR avec chaussette, bidon AR avec eau plate juste pour s'asperger d'eau. Pas de 640 car il n'y a pas de nuit et le rythme "Abeille" n'exige pas de stopper la digestion pendant le parcours (7 cols en 15 heures, ce serait différent). On pourrait prévoir un bidon de 640 pour le 6° col épuisant (Vars) à la nuit tombante, sous toutes réserves. Je pense qu'il vaut bien mieux manger un autre taboulé dans le froid en haut de la Bonnette et le digérer au mieux, habillé très chaudement, pendant la descente.

Il fait déjà presque chaud, il fera chaud et la brise solaire sera, comme d'habitude, montante dans la vallée avec pointe aux heures chaudes. Choix difficile, je pars pour Pontis avec 4 couches: sous-vêtement, maillot court Abeille, maillot manches longues Abeille et coupe-vent FFCT. Avec le vent dans la tronche, c'est bien et il n'y aura que deux couches à enlever au pied du Pontis.

Course
          cycliste
Ca part comme une course cycliste

5h30, le départ est lancé en direction du lac de Serre-Ponçon (le tournant vers le Pontis est après une courte descente). Ca part comme une course cycliste: une voiture ouvre la route devant, un groupe de gros bras, pas tous conscient de ce qu'ils font, tire le peloton et tous roulent à tombeau ouvert sur 3-4 rangs dans la vallée face à la brise qui est déjà établie. On roule entre 30 et 45, dans une allure et un comportement de peloton de course: rouler à touche-touche à 35-40, monter les côtes debout sur le grand plateau à 30 km/h sans même remarquer l'intensité de l'effort (du fait de la concentration requise), pour être surtout bien collé au peloton pile-poil au sommet de la bosse, là où ça fait mal, prêt pour l'inévitable relance et coup d'élastique dans le début de la descente. Écarts brutaux devant, retours de derrière en bas des descentes et accumulation brownienne des vélos à l'attaque de la bosse suivante, dans la vaine tentative de tous d'attaquer la bosse le plus en avant des autres possible. On retrouve-là l'ambiance des Vaux de Cernay en course FFC 3° catégorie. Et il y a vraiment des côtes dans cette descente de la vallée, je le verrai bien au retour, là où ça redescendra. Pour rire et par manque de sérieux, je reste collé au groupe de tête jusqu'au départ du Pontis (29 km). Hughes et Laure Rico, nos références rapides, ne feront pas cette erreur et je les verrai me passer comme des fusées après la descente de St Jean, sans même que j'envisage de prendre la roue. En fait, il suffit de tenir jusqu'au Lauzet et de rester avec les roues plus raisonnables (par exemple cette de Hughes Rico qui emmène Laure dans un rythme convenable en montée) après la montée du Lauzet où on est, logiquement, lâché du groupe de tête. Mais c'est drôle de rouler dans un peloton de coureurs et et d'entendre leurs remarques parfois limite acides quand ils voient Dr Olive avec ses garde-boues et sa sacoche avant à touche-touche avec leurs "prestigieuses" (ils le pensent, en tout cas) machines.

Statistique : 2/3 de jambes rasées, peu de féminines (3 à 4) sur 77+ participants. La population dominante est constituée de lévriers taillés pour ça (ils visent 15 heures sur 7 cols), mélangés à quelques inévitables gros bras qui partent comme des fous et qui, incapables de monter leur énorme masse de muscles dans les rampes, craqueront avant le 4° col.

Le lac de
          Serre Poncon
Vue du sommet du col sur le lac, c'est trop beau

En bas de Pontis (1301 m), 80% continuent sans s'arrêter. Comme prévu, j'enlève deux couches pour monter sans manches. Bon choix. 28/26, autre bon choix. Ca monte raide, parfois très raide. Les avions sont maintenant tous devant, certains me doublent et j'en double certains, dont la 1° féminine qui moulinait un tour de roue et roulait devant une féminine barraquée qui ressemble à Boulder et que j'entraînerai plus tard dans la dictée et Laure Rico (prudemment derrière). Seconde mauvaise idée: j'aurais mieux fait de les imiter et de monter souple comme ceux que je double à tort. Au pointage en haut du col, je trouve mon groupe de Suisses de Genève, passé devant. Ils font les 5 cols (le module classique des gens costaud mais raisonnables) et on se reverra régulièrement. Hughes et Laure Rico sont loin derrière et ce sont eux qui ont raison. Ils sont, ensemble, sur les 7 cols et n'ont pas droit à l'erreur. la descente du Pontis est féérique avec sa vue matinale sur le lac. Je prends des photos, c'est trop beau.

St
          Jean
Au col St Jean, avant le taboulé

En bas, on attaque la longue montée vers le Sauze-du-lac. La course est finie et on roule à 2 ou 3. Je suis, puis donne un relais, à un coureur épuisé. Il abandonnera avant Allos, grisé comme beaucoup par ce départ de course. Montée, ensuite, du col St Jean (1332 m), en moulinant facile le 28/20 ou 28/23. J'ai les jambes lourdes, il faut réparer tout ça. Dans la montée, je prends quelques photos des premiers qui finissent la descente. L'écart qu'ils ont déjà fait est impressionnant. Au col, photo des organisateurs et 1/3 de taboulé pris dans la sacoche. Tous les autres confient des sacs à l'organisation mais c'est moins amusant et demande une planification qui ne me convient pas du tout (ou alors, on en met des tonnes et on jette...).

Retour jusqu'à Barcelonnette *sans prendre la D109 vers Pra-Loup et Allos à droite (certains le font mais ce n'est pas le parcours). On est pointés partout pour des raisons de sécurité. Je me fais doubler là par Hughes et Laure Rico alors que je roule à 23 et ne prends pas la roue, trop rapide vu mon état de forme. Je passe par le camping (sur la route), y laisse les éclairages et la maillot manches longues, complète la sacoche en nourriture, mange le gâteau de riz géant N°2 prévu et reparts à 10h30 pétantes en direction du ravito d'Uvernet. Je décide, vue la logistique disponible, de monter en une couche (maillot Abeille sans sous-vêtement). Le marcel Abeille serait un excellent choix mais j'évite par crainte de coups de soleil.

Deuxième partie: Allos (serait Allos *et la Cayolle en version "Maître" ou "Grand Maître")

Vers la
          Cayolle a gauche
Le parcours prend, à gauche, la route de la Cayolle

Pour aller à Allos, le parcours prend, à gauche, la route de la Cayolle jusqu'à Uvernet, d'où un petit raidillon à droite nous ramène sur la route d'Allos, moins raide. Le ravito est sympa, on y voit déjà des participants qui redescendent d'Allos et il y a à manger. Fidèle à mes principes, je ne compte pas sur ces ravitos, ce qui ne m'interdit pas de les dévaliser quand-même.

Ravito
          a Uvernet
Ravito à Uvernet

Montée tranquille du col d'Allos (BPF 05, 2240 m) à un rythme sage (bien en dessous de mon rythme usuel: le départ et les trois derniers jours m'ont un peu cassé), sur 28/23 voire 28/26 (un choix anormal dans cette pente modérée). Le but est de ne pas achever de me faire mal, en fait de me refaire une santé, en prévision de la Bonnette de cette après-midi, qui sera *dure car raide tout le temps. J'y parviens tant bien que mal mais le mal était déjà fait avant le haut du Pontis. je finis le taboulé en haut du col (toujours, pour digérer dans la descente, excellente alternative à la sieste). Descente à 45, il fait très chaud dès 1500 m. Ce qui augure mal de la remontéee de la Cayolle. Re-pointage d'Uvernet, je les re-dévalise, tout heureux de n'avoir pas à repartir vers la Cayolle (BPF 04, 2327 m, un col très long mais facile, un BPF que je n'ai pas bien que je l'aie souvent passé) dans cette fournaise. Il y a des sandwiches au saucisson, seule viande que je prendrai sur la journée, et ce seulement parce-que c'est une journée "pour rire". Je plains le randonneur fatigué (il est déjà épuisé) qui m'a longuement décrit son super-BRA et comment il ne prévient pas sa femme de ce qu'il fait vraiment pour ne pas l'inquiéter... Il va maintenant attaquer la Cayolle, en route pour ses 7 cols. J'ignore s'il finira et, à ce jour, j'ignore s'il a fini, mais je trouve qu'il en fait trop. À ma descente tardive de la Bonnette, je le croiserai au passage du bistrot de la cote 2000, sur un rythme très (trop) lent.

Troisième partie: Repas et Dictée de Pivot (difficile d'être à l'heure et motivé pour faire la dictée en version "Maître")

Je file alors vers la permanence. Sur le chemin, le camping du Plan (quel bon emplacement !). J'y prends une douche, des vêtements propres, une lessive 1/2 sénégalaise et linge aux bons soins de la corde à linge secourable de mes voisins campeurs, qui sont en train de déjeuner et de préparer leur sieste. Je file manger à la permanence, il est 13h30.

C'est là à mes yeux l'enjeu essentiel du 5-cols: il faut attaquer la Cayolle pas trop tard pour ne pas se flinguer avec la chaleur. De ce point de vue, attaquer Allos à 10h30 est une limite ultime. En même temps, il faut être en forme et surtout pas déshydraté. Le compromis à trouver est là.

J'ai décidé il y a bien longtemps que je repartirais vers la Bonnette vers 17h00 (pas encore à la fraîche mais plus aux pires heures) et j'ai donc du temps à perdre, ce qui semble paradoxal: c'est en fait le temps de la Cayolle que j'ai à perdre. Alors je m'éternise à la permanence, bavardant, complétant mon dossier avec ma complice des inscriptions qui est toujours là, infatigable. En fait tous (toutes, aussi) m'ont à la bonne: comparé au type dominant de coureur au gabarit de lévrier efflanqué, voir là un cyclo semble les rassurer. Tant mieux car les lévriers attaquaient la Cayolle quand j'attaquais Allos: un col d'avance à 10h30 du matin ! Déjeuner avec les organisateurs et l'équipage du tandem composé d'un Grand Maître et d'un gamin atteint de Mucoviscidose et d'un diabète, en plus. Ils viennent de redescendre de la cime de la Bonnette; sieste au programme. N'oublions pas la motivation première de cette épreuve, aider les malades atteints de cette maladie, et cette aide passe par bien d'autres chemins que simplement le financement de la recherche médicale. Je traîne, en laissant la nature reconstituer un peu mes jambes trop lourdes.

Dictee de
          Pivot
À la dictée, nous serons 4 dont deux hommes

Sur le coup de 14h30, je m'inscris à la dictée de Pivot, organisée par l'Académie Ubayenne de Dictée. Je parviens à y attirer la concurrente Suisse de ce matin. Elle a monté 4 cols, déjà, il lui en reste un mais, sérieuse, elle s'arrête à mi-dictée, pour repartir (eh oui !). Au final, nous serons 4 dont 2 hommes, ce qui est, semble-t-il, exceptionnel tant les hommes semblent fuir les dictées et la honte de la note qui va avec. Je serai le seul concurrent à réaliser ainsi le bi-défi: 4 cols et une dictée. La dictée finie avec 10,5 fautes, un exploit qui me range dans la catégorie "Grand Maître", je vais au camping faire ma sieste, il est près de 16h00.

Quatrième partie: Cime de la Bonnette (serait Cime de la Bonnette *et col de Vars *et montée à Ste Anne en version "Grand Maître")

17h00. Après avoir mangé le 3° gâteau de riz géant et repris les éclairages, départ, en deux couches (sous-vêtement blanc non maille et Abeille manches courtes), vers Jauziers. Le coupe-vent et le Gore-Tex sont là, il aurait été utile d'emmener des jambières courtes, au moins capables de chauffer les genoux dans la descente. À Jauziers, je serai le dernier à être pointé. D'autres passeront après mais ne seront pas pointés à leur montée et leur descente (ce qui n'est pas éliminatoire). En 2009, il vaudrait mieux partir vers 16h30 de la permanence.

Bistrot
          de la cote 2000
Bistrot de la cote 2000

Je monte, une fois de plus, ce col magnifique en trois parties, dont je ne me lasserai jamais. Les buissons et les arbres du bas, d'autrefois, ont cédé la place à une urbanisation croissante au-dessus de Jauziers. Il fait encore très chaud. 28/26 tout le temps, on ne rigole plus. Je roule avec juste le sous-vêtement (1 couche). Il me faut un temps infini (vitesse 7,7 km/h) pour atteindre la cote 2000 et son bistrot où je retrouverai des connaissances, mais le patron est absent, bistrot fermé. Dommage, un coca aurait été le bienvenu. Déjà il fait froid avant 2000 m: 2 couches. Sueur froide dans le dos, je me bourre de pâte d'amande pour assurer un minimum de carburant. Mais rouler sans Hydrixir était une erreur. J'arrive enfin au ressaut et la courte descente vers l'alpage. On est dans l'ombre, il fait froid, il y a des pêcheurs à la ligne avec des camping cars dans ces lieux qui ne devraient pas les supporter. Je mets un temps infini (6,8 km/h) pour arriver aux maisons militaires, point le plus raide de la montée. J'avais prévu d'y faire une pause mais me suis en fait déjà arrêté 3 fois, et chaque reprise est plus difficile que la précédente. Alors je continue au ralenti, sans soif, sans floc-floc dans l'estomac et avec des jambes, somme toute, encore acceptables. Cahin-caha vers le col, quoi ... J'arrive enfin à la récompense: la partie roulante. J'y croise ma complice de dictée et ses collègues suisses, radieux dans leur dernière descente vers le dîner. Ils ont l'air en forme. Je prends quelques photos que je ne prends jamais, autrement. La lumière du soir est magnifique, avec ses nuages de menace d'orage et surtout, on est de nouveau au soleil, le massif d'en face ne projetant pas son ombre aussi haut. Je photographie, cette fois, les départs des deux chemins des cent-colistes (dont celui qui mène au vrai col du Restefonds). Au col, la route de gauche vers la cime (celle de la descente) est fermée pour travaux. On redescend donc par le raidillon de la montée.

Stele et
          Dr Olive
Dr Olive presque nu devant la stèle de la cime de la Bonnette

J'avais souvent monté cette pente, l'avais souvent trouvée raide. Françoise, même, l'avait montée sur son 28/28 sans craquer, mais là, c'est différent. C'est très très raide, comme si la pente elle-même avait changé. Je dois, une circonstance exceptionnelle, m'arrêter à mi-pente en sortie de virage pour reprendre mon souffle, et prendre du coup une photo de la croupe de montagne devant, sous le soleil rasant du soir. C'est très beau. Au contrôle de la cime de la Bonnette (2802 m), il y a encore du thé chaud. Je mange une tarte aux noix et un gâteau de semoule. Dans la perspective d'un 7-cols, il faudrait manger ici un vrai repas avec Taboulé, ce qui serait une véritable épreuve avec le froid qu'il fait et la fatigue accumulée. Pour moi, comme en haut d'Allos, c'est encore cool : évitant Vars et Ste Anne, il me suffit de prendre des sucreries pour tenir la chaudière allumée dans la descente vers Barcelonnette. Digestion dans la descente. Je rencontre là un gros bras et son collègue coureur de moindre envergure: le gros bras m'avait sauvé la mise (si l'on peut dire) en me ramenant (ainsi, surtout, que son copain) dans son sillage après que je me sois fait distancer sans espoir de retour dans la montée vers le Lauzet. Ils ont monté la Cayolle et ont craqué là, trop lourds, vidés. Alors ils ont monté la Bonnette avec leur voiture pour récupérer leur sac de nourriture et autres affaires. Aimablement, et ignorant manifestement qu'une telle proposition ressemble à un affront pour quelqu'un qui se pique d'autonomie, ils me proposent de me ramener à Barcelonnette en voiture ... Je remercie: ils sont gentils mais n'ont pas à mes yeux leur vraie place ici.

Vue sur
          la montagne du soir
Presque en haut, de mon arrêt pour souffler, vue sur la croupe de la montagne au soleil couchant

4 couches pour descendre car il fait un froid polaire. Coupe-vent *et Gore-Tex. Pas de souci pour rouler en sandales sans chaussettes, mais un corsaire pour protéger les genoux aurait été le bienvenu. la descente est un véritable régal. Pas besoin d'éclairage, encore (c'est l'avant qu'il faut allumer, ici). La route est un magnifique tapis de bitume lisse. On se croirait sur un tapis volant. En haut la pente propulse à 60 km/h, en bas à 50. À Jauziers, je libère les contrôleurs qui m'attendaient. Graduellement, au cours de la journée, l'atmosphère a changé. Maintenant que les lévriers sont arrivés (presque) au terme de leur 7° col (20h00 soit 14h30 de trajet), l'ambiance est devenue détendue et les organisateurs sont vraiment contents qu'on soit là. C'est redevenu, ce que ça n'avais jamais cessé d'être, du cyclotourisme; avec certains participants plus talentueux que la moyenne et qui veulent réaliser un exploit.

Retour vers Barcelonnette. Je craignais ces 9 km face au vent et découvre avec surprise que ça descend presque tout le temps, ce que je n'avais pas remarqué en sens inverse. Arrivée, avec l'éclairage et la frontale vers 21h00 à la permanence sous une véritble ovation orchestrée par mes complices cantinières, qui me chantent une petite chanson. Soupe à l'oignon, monstre plat de pâtes (c'est hier qu'il le fallait), fromage et macédoine de fruits. Géant ! Ma complice de l'inscription, toujours souriante et d'attaque, mais qui n'a toujours pas retrouvé l'usurpateur de la rue de la Ferme, m'invite à la remise des prix, dimanche à 10h30, avec un sourire. Je décline avec difficulté, car je serai parti vers Gap, dommage. Dodo. Mon voisin de camping, qui faisait 7 cols, est rentré vers 21h00, épuisé. Hughes et Laure Rico aussi. Je les vois entrer et sortir rapidement en héros, peu après moi mais après 7 cols, eux.

Dimanche 29 juin: De Barcelonnette à Gap (76 km)

Je re-harnache Dr Olive. Séquelle de l'accident de la Vélocio, certains boulons sont difficiles à poser. J'y parviens enfin. Petit déj avec le patron du camping, je réserve un hôtel à Gap pour ce soir. Comme j'ai réservé tard, le train de nuit était complet. Je roulerai de jour en passant par le train à voie unique qui va à Valence.

Vue sur
          le lac
Dernière vue sur le lac

Il fait chaud et je suis en avance. Je dois être à l'hôtel entre 18h00 et 19h00 et trouve enfin un endroit propice pour une sieste à 6 km de Gap.

Arrivé à Gap, après un round d'orientation, je file à la place centrale pour une bière ou une glace et des infos sur les restos pour le soir. Je choisis une énorme glace, et juste à ce moment, le ciel s'ouvre et une pluie énorme tombe pendant environ 30'. Comme la terrasse est sous une tente, pas de souci. Après une douche à l'hôtel, je retourne à la brasserie d'à coté, sur la même place centrale, pour un dîner de fin de trajet, avec viande rouge, la première en 5 jours. Ce n'est pas que je cautionne la consommation excessive de viande, mais, là, c'est bon! Puis nuit, longue car le train partira à 10h30 et il faut au pire 15' pour aller à la gare de l'hôtel.

Lundi 30 juin: De Gap à Rueil Malmaison

Petit déj à l'hôtel, temps à revendre pour aller à la gare et prendre le train. Pas de compartiment vélo sur le TER prévu normalement pour ça. Je me débrouille. Compte-rendu dans le train, Fluide Glacial et sandwiches: le voyage sera sans surprise. Je mange enfin mes deux carambars, des bombons au miel et un chocolat Riter Sport Caramel-Noisette tout déformé, tous survivants des courses de Bordeaux-Paris. Miam ! Par contre, la barre fraise + Yaourt ramassée au contrôle à Martizay est toujours là. Décidément, je ne mange pas de barres... Un jour, peut-être, à l'agonie ...

Le reste, ce n'est plus du vélo. J'arrive au bureau en bermuda et sandales de vélo et cherche Jean-Paul, il vient de partir. Je passerai le voir chez lui. Je cherche alors Stéphanie pour parler de mes recrutements: elle est sagement en comité exécutif à parler avec Olivier du dossier juridique de création de la filiale Indienne, sans Orokia qui en a la charge. Il suffit de s'absenter quelques jours pour que tout parte en suçette: les joies de la mise en concurrence des absents par les présents, des attributions, donc, des succès aux présents, tout en préservant la charge des échecs aux absents ... Fascinant programme, dirait le Dr. Spock.

L'an prochain, si Allah veut bien, nous serons 3 ou 4 autour de Claire, à l'origine de cette brillante idée, à représenter l'Abeille à ce somptueux brevet, remarquablement organisé et animé avec énormément de chaleur par des vrais randonneurs, qui aiment leur montagne et se donnent pour la cause qu'ils servent. À conseiller donc, avec 5 épis. Cette fois, je pointerai, enfin, la Cayolle. Ca nous changera du Bordeaux-Paris où je passais pour une bille, avec mon absence de préparation "BPF" !

Jean-Pierre

"Le Cyclotourisme, un art de vivre"