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LE PARIS - BREST - PARIS D'HENRI

Paris-Brest-Paris est une épreuve de longue endurance qui suppose une bonne optimisation des composantes physiques, psychologiques et techniques mais quand des conditions météorologiques exécrables s'ajoutent aux difficultés intrinsèques de l'épreuve ça devient héroïque.

Avec Claude Morel, j'ai pris le départ prévu à 22h50 après avoir attendu plus de 2 heures sous quelques petites ondées. Après les premiers coups de pédales une averse plus sérieuse nous a bien trempés, c'est alors que mon nouveau dérailleur avant a montré des signes de défaillance. Calculé pour être fixé sur un cadre alu, le vélociste a ajouté un joint supplémentaire pour compenser le diamètre du tube acier, l'ensemble se desserre et je dois m'arrêter plusieurs fois pour réparer sous la pluie avec l'éclairage de ma frontale. Je rejoindrais Mortagne en Perche vers 5h en utilisant surtout le plateau moyen. Là, après avoir fait la queue pendant plus de 20 minutes, je peux faire faire les réparations par un vélociste dans de bonnes conditions mais par la suite, j'aurai toujours quelques sauts de chaîne en passant sur le grand plateau.
Il pleut abondamment, je prends une petite collation préparée par Chantal et je repars toujours sous la pluie.

A Villaines la Juhel, je pointe un peu avant 10 h et je prends un petit repas au self, je roule souvent avec des japonais et des américains mais sans communiquer, mon compteur indique plus de 24 km/h.

A Fougères, je perds du temps en voulant faire une petite sieste à l'abri, je retrouve Claude Morel et Hervé Thomas qui m'annoncent devant une caméra qui les filme leur décision d'arrêter cette épreuve à cause du mauvais temps. L'idée de passer une nouvelle nuit sous la pluie et dans le froid les décourage et leur fait craindre pour leur santé. Je repars avec l'espoir que la météo doit s'améliorer.

Je voudrais dormir à Loudéac pour éviter de rouler pendant les heures les plus pénibles de la nuit. C'est la bousculade pour trouver une place à une heure et demi du matin, il faut attendre que les lits se libèrent, les organisateurs sont dépassés par les événements. On me trouve finalement un matelas, je demande un réveil à 5h30. Je repartirai mercredi vers 6h15 après une collation. Le temps est couvert, sans pluie mais avec un fort vent de face jusqu'à Brest.

Je croise Gérard qui est sur la route du retour. Dans un contrôle, je retrouve également Gwénaëlle qui repart avant moi, je la reverrai plusieurs fois par la suite.

L'arrivée à Brest se fait sous le soleil, j'en profite pour faire une petite sieste sur l'herbe avant de repartir en sens inverse mais le vent semble lunatique et nous l'avons encore de face sur certaines portions de route. La pluie abondante reprend au début de la nuit, rouler en peloton me parait dangereux, la route n'a pas de bande blanche, le fléchage n'est pas toujours facile à distinguer, les groupes s'arrêtent souvent dans les cafés ouverts et repartent à vive allure.

A Loudéac, même scénario que la veille pour trouver une place au couchage. Je vais prendre une douche en espérant que la bousculade se résorbera mais de nouveaux pelotons arrivent et il faut rester dans la queue pour avoir une chance d'avoir une place pour dormir jusqu'à 5h30, deux heures de sommeil seulement, avec un maillot que j'ai réussi à garder au sec. Au réveil il faut remettre les vêtements mouillés et manger avant de repartir. Au self, je rencontre Joël qui prend quelques photos de l'hécatombe des cyclos. Je repars le premier, il me rejoint lorsque je suis en train de remettre ma chaîne encore une fois et sa remarque " tu ne sembles pas en forme " me frappe car j'ai en effet des difficultés à voir la route, mon dos ne me porte plus et j'ai la tête dans le guidon. Je ne vois pas plus loin que ma roue avant ce qui m'oblige à ralentir l'allure, de 21 km/h en moyenne, descend à 18 / 19 km/h. Je ne vois plus la signalisation et progressivement je sens qu'un torticolis m'empêche de tourner la tête. Je compte sur le service médical de Tinténiac pour remettre cela d'aplomb mais au contrôle on m'informe qu'il n'y a ni docteur, ni infirmières, ni kiné, il faut aller à Fougères pour se faire soigner.
Ces km m'ont semblé interminables, je m'arrête régulièrement pour essayer de détendre le dos, ça me fait du bien mais je n'arrive toujours pas à me redresser. J'enlève mon casque dont la visière limite un peu plus le champ de vision et, avec la sangle de mon sac, je fais un bandeau à la tête que j'accroche à un sandow du porte bagage qui me tire la tête en arrière. Impossible dans ces conditions de rouler en danseuse.

A Tinténiac, un kiné de l'antenne médicale m'indique qu'il n'y a rien de grave, la pluie et le froid m'ont bloqué les muscles du dos, il me fait un bon massage qui me réchauffe et me conseille d'attendre un peu avant de repartir. J'en profite pour prendre un repas au self. Malgré cette pause, la tentative de reprise du vélo m'apparaît compromise.
Compte tenu que la nuit approche, rouler sans voir me parait un risque inutile à courir, je ne tiens pas à terminer cette rando à l'hôpital. Je prends donc la décision de m'arrêter ici.
Au contrôle, j'obtiens toutes les informations pour retenir un hôtel à Vitré à 37 km où demain matin je pourrai prendre un train TER pour regagner la région parisienne.

Sur la route de Vitré, je rencontre un cyclo qui rentre chez lui, je ne dois pas avoir belle allure car il me demande ce qui ne va pas et se propose de m'emmener en voiture à Vitré ce que j'accepte sans me faire prier car j'ai de plus en plus de difficulté à rouler.

Après une bonne nuit dans des draps, ça va déjà mieux.
Nous sommes une vingtaine à Vitré à prendre le train de retour. D'autres se joindront à nous au Mans où je retrouverai Joël qui a une tendinite au genou.

Vendredi à midi nous arrivons à Nanterre déçus et fatigués mais soulagés que cette expédition se termine sans autres conséquences plus grave.


Henri Courmont


"Le Cyclotourisme, un art de vivre"