Au revoir à Pierre Poisson

Mon cher Pierre,

Je suis très honoré que tu m'aies proposé de participer avec toi à la préparation du pot que nous allons offrir à nos camardes ce soir.
En effet, toi, tu es un vétéran qui a fait ses preuves, alors que moi je n'ai que 2 ans d'inscription au club. Je te dois donc le respect.

D'ailleurs, je dois te dire que lors de mon adhésion, bien entendu, je ne te connaissais pas. Et pourtant, en parcourant la liste des membres, quand je suis tombé sur Pierre Poisson, tout de suite, ça a fait tilt : je me suis dit, - Poisson, Pierre - il y a anguille sous roche.

Et ce n'est que plus tard, quand j'ai fait ta connaissance, que j'ai appris que depuis plus de 30 ans tu traçais la route avec les Abeilles, que tu leur apportais ta bonne humeur et ta gentillesse.
Tu en as d'autant plus de mérite que ton garde-boue arrière porte un autocollant : cyclo-cardiaque. Alors là, je dis bravo.

Tu m'as expliqué effectivement que ton coeur fatiguait un peu dans les côtes. Par contre, je dois te le dire entre nous : quelques mauvaises langues m'ont affirmé que si tu as du mal à monter la côte grise, certaines côtes, tu les descendais plutôt bien, surtout les rouges, genre côtes de Bourg et autres côtes du Rhône. Ça doit être une question de couleur.

Mais bon, que celui qui n'a jamais pêché te jette la première pierre. D'ailleurs, à propos de pêcher, j'espère que tu ne prendras pas la mouche mais, en te voyant mouliner, j'ai bien vu que tu ne tirais pas du gros.

Car bien sûr, comme pour nous tous, les années ont passé et toi qui étais paraît-il du genre poisson pilote, tu réalises qu'aujourd'hui tu es plus souvent à l'arrière ban. Et puis ton épouse ne fait pas de vélo et je suis bien placé pour te comprendre : ta décision de rester à la maison le dimanche pour prendre soin d'elle est tout à ton honneur. Seulement, il faut faire des sacrifices. Car, cher vieux Poisson, ce n'est pas moi qui te l'apprendrai : on ne peut pas être à la fois au four et...à la plancha.

Alors tu t'es dit il faut que je m'arrête. Bien sûr, ça nous rend tous très tristes, mais après tout un Poisson qui arrête, quoi de plus naturel. Tu as donc choisi ce mois de décembre pour nous l'annoncer et là, à mon avis tu as bien fait, car bientôt l'hiver sera là, et l'hiver, en vélo, on se l'écaille.

Alors, mon cher Pierre, nous respectons ta décision et, je te le dis sincèrement, nous te regretterons.

Peut être que de ton côté, les jours de beau soleil, tu penseras aussi aux Abeilles avec nostalgie car après tout, cyclo cardiaque, ça peut aussi vouloir dire garder un peu son club cyclo au fond du coeur.

Roland Campo
le 2/12/2013

Aux Abeilles

Communiqué du poste de police de Rueil-Malmaison, relayé par l'Agence de Presse "Rueil-un-faux-press-toi-pas-t'a-tout-ton-temps"

Nos agents de service de nuit du 2 décembre 2013 ont intercepté à une heure très tardive deux individus de sexe mâle (du moins apparemment), qui présentaient un état d'ébriété fort avancé...

En effet, à la demande de leur identité, l'un s'est déclaré être de très noble ascendance et se présenta comme "Roland de Roncevaux el Campo", rappelant que son très illustre ancêtre avait, en l'an 778, été victime d'une violente agression des Vascons, plus que des Sarrasins comme il est dit dans la chanson de Roland... (Tiens, encore un Roland ! Voilà pourquoi il s'y identifie !!)

On en connaît, hélas, de telles agressions de nos jours, mais elles se passent plutôt dans le RER ...

Les ayant emmenés au poste pour les présenter à mon chef, et lui faire mon rapport, celui-ci, perspicace (c'est rare il est vrai) et ayant ouï l'accent rocailleux de notre premier impétrant, fut convaincu de l'évidence de sa filiation, non pas avec le Roland de la chanson de geste mais avec lesdits Vascons puisque ceux-ci sont les ancêtres de nos Basques contemporains, et que lui-même se targue venir d'une région voisine !
Il voulait nous induire en erreur en se présentant sous un jour favorable, le gredin !...

Mon chef voulut le boucler mais l'énergumène s'enfuit à toutes jambes sur son rutilant destrier alors qu'il venait - nous affirma t-il - de : "Baptiser toutes les abeilles d'une ruche en les arrosant copieusement au Crémant d'Alsace !! "

De tels propos tenus à pareille heure ne pouvaient que nous laisser sceptiques sur son état mental...

Le second, dans un état proche du coma prétendait quant à lui descendre d'une noblesse locale, bien que disparue depuis des décennies, ce qui nous a paru louche... Il se présenta en effet sous le nom de "Pierre de la Malmaison" alors qu'il est de notoriété publique que le château de la Malmaison a été pratiquement inhabité depuis le décès de Joséphine (en 1814) et que c'est depuis longtemps un musée ouvert au public !
Il a avoué, lui aussi, avoir participé aux orgies sur la ruche !...
Et de plus, il a précisé : "Avoir raconté un petit fabliau aux abeilles pour les égayer..."
Parler à des abeilles, le délire éthylique, quoi !
Mais il a juré qu'il ne recommencerait plus car il partait le coeur gros, "en quittant ses chères abeilles".
Encore des propos incompréhensibles
Les bras m'en sont tombés et il en a profité pour, lui aussi s'enfuir sur son destrier, en bien piteux état celui-ci, mais qui scintillait comme un sapin de Noël... "

Ce 2 décembre fut en effet, pour ce qui me concerne, une page qui s'est tournée puisque j'ai profité de la réunion mensuelle pour faire mes adieux aux Abeilles, dans la bonne humeur, sans larmes mais pas sans un pincement au coeur, pour les quelques 30 bonnes années au cours desquelles j'ai eu le bonheur de cycler en votre amicale compagnie.
Merci à tous de m'avoir réservé une place dans cette chaleureuse ruche.
Conservez bien "l'esprit Abeille !"
Et bonne route !

Pierre POISSON
(03-12-2013)