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QUELQUES SOUVENIRS : LA MAGIE DE P.B.P.

En quittant le contrôle de Mortagne-au-Perche, en direction de Paris, le participant à l'édition 1999 de Paris-Brest-Paris que j'étais n'a pas pu s'empêcher de penser à sa première participation, en 1975.

Les ruches bourdonnantes d'activité que sont aujourd'hui les contrôles étaient alors de simples hôtels-cafés-restaurants (la Maison Blanche à Morlaix, la Bonne à Laval, l'hôtel de Normandie à Pré-en-Pail) dont les gérants, malgré toute leur gentillesse, avaient aussi des coups de barre. Et, en pleine nuit, la chaleur humaine des rares clients n'était pas celle qu'on peut voir en 1999 dans les contrôles et à proximité.

Il est possible que quelques spectateurs et contrôleurs éprouvent un certain sentiment de frustration en voyant les cyclos à la place desquels ils aimeraient être. Que l'on pense à la frustration de ceux-ci, contraints de repartir sans s'attarder de lieux vivants où se cristallise, en quelque sorte, l'événement.

C'est la somme de ces ambiances de fête, toutes différentes, et à peine entrevues, qui constitue sans doute pour le participant beaucoup de la magie de Paris-Brest-Paris.

Paris-Brest-Paris, c'est un peu une drogue, qui fait moins de bien que son absence ne fait de mal, selon ses utilisateurs.

Quelle que soit la joie qu'on puisse éprouver à boucler l'épreuve, elle est probablement toujours moins intense que ne le serait la déception de n'avoir pas pu y participer.

On a toujours une excellente raison de participer à Paris-Brest-Paris : ou bien on a (à son niveau) "survolé" l'épreuve (1983) et alors, on cherche à en revivre les sensations inoubliables, ou bien P.B.P. a été un peu laborieux et il faut alors laver l'affront à l'édition suivante.

En sept participations (dont 6 victorieuses), j'ai très souvent eu envie d'effectuer P.B.P. en suiveur. J'avoue n'en avoir jamais eu le courage. J'ai, d'une certaine manière, toujours cédé à la facilité.

C'est en 1975 que j'ai fait la connaissance de ROBERT LEPERTEL.

Avec Jean-François, nous avions décidé, tard en saison, de tenter P.B.P. Nous avons pris notre plus belle plume pour lui écrire que, nonobstant l'obligation faite à tout candidat à P.B.P. d'effectuer la série complète des quatre brevets qualificatifs, nous nous dispenserions des trois premiers compte tenu, d'une part de la date tardive, et d'autre part de la haute opinion en laquelle nous tenions nos qualités personnelles de randonneurs. Nous l'invitions à nous donner son accord sur cette analyse.

Désarmante naïveté de la jeunesse, propre à faire sourire les bons connaisseurs de R.L. et dont je rougis encore, vingt cinq ans après !

La réponse, courtoise mais ferme, nous est parvenue par retour du courrier : nous étions clairement invités à prendre nos responsabilités. Ce que nous avons fait en réalisant, compte tenu du temps dont nous disposions, les brevets de 200, 300 et 400 km les lundi, mercredi et vendredi de la même semaine.

Nous lui avons pardonné depuis.

En le rencontrant quelque temps après lors d'un contrôle secret du brevet de 600 km de l'A.C.P., non loin d'Epernay, nous avons encore perdu une occasion de nous taire en nous plaignant de la difficulté du parcours : il nous a fait remarquer (avec, je crois, un sourire carnassier) que P.B.P, c'était la même chose en 2 fois plus long et en pire.

Paris-Brest-Paris est une immense épreuve qu'on n'a jamais véritablement vaincue.

Du premier en 1975 au sixième en 1999, j'ai toujours été saisi d'une angoisse quasi-vertigineuse à l'approche de l'épreuve.

Pensez-donc : deux brevets de montagne d'affilée, suivis de huit cents kilomètres de plat ! Quand on voit l'état dans lequel on peut parfois finir un brevet de montagne...

Les points de repère manquent pour se représenter l'ampleur de la tâche et le brevet de 600 km lui-même n'en est pas véritablement un : trop court !

Alors, la seule chose qu'on apprend au fil des participations, c'est à ne plus trop se poser de questions. On verra bien, et après tout, on l'a déjà fait, même si on se demande bien par quel miracle.

La préparation de ma randonneuse en vue de Paris-Brest-Paris est l'affaire de toute une saison, en vue d'avoir une absolue garantie de fiabilité...

... Au point de commettre l'erreur de rayonner complètement une roue juste avant l'épreuve en 1979 : j'ai frénétiquement cherché un vélociste dans Bellême, pour acheter une clé à rayons grâce à laquelle la jante a cessé d'osciller bruyamment d'un patin à l'autre.

Le sort déjoue quand même parfois les meilleures préparations.

En 1987, le vol de ma bicyclette, dix jours avant P.B.P., m'a conduit à partir sur un vélo prêté, que j'avais essayé pour réglages... au moins trois kilomètres.

J'ai quand même obtenu de mon excellent ami JEAN TRUFFY qu'il me prête sa selle BROOKS : une merveille de souplesse et de douceur. Il a (avec raison) refusé le pont d'or que je lui ai fait à l'issue de cette épreuve pour la garder définitivement. Quoi qu'il en soit, je n'avais jamais été aussi bien de ma vie sur un vélo.

Il existe deux types de Paris-Brest-Paris : les P.B.P. offensifs et les P.B.P. défensifs.

Au fil des éditions, les premiers cèdent le pas aux seconds. Les P.B.P. offensifs sont ceux pour lesquels on cherche à mieux faire (et, pour le tout premier, à faire, tout court), à améliorer son temps depuis la précédente édition. Les P.B.P. défensifs sont ceux pour lesquels on cherche à se persuader que le temps n'a pas trop de prise sur nous, en terminant l'épreuve : c'est déjà une bien belle victoire, même en vingt heures de plus que du temps de sa jeunesse.

Pouvoir faire et pouvoir encore faire, : un mot de plus, mais quelle différence dans l'approche !...

À la transition des deux types, il y a le P.B.P. si j'ose dire maudit, que l'on n'est plus capable de gérer sur un mode offensif, et que l'on n'a pas encore appris à gérer sur un mode défensif : c'est potentiellement l'échec.

En 1991, sous-entraîné, sous-motivé, l'aventure pour moi s'est arrêtée à l'aller, à Tinténiac.

En 1995, j'ai de nouveau pris P.B.P. très au sérieux. J'avais entre-temps compris que la réussite d'une édition n'était pas, à elle seule, une garantie de succès pour l'édition suivante.

L'organisation de Paris-Brest-Paris est une merveille d'équilibre, au cours de laquelle - au moins d'après mon expérience - tout se déroule avec une parfaite fluidité sans que l'on n'éprouve jamais la sensation d'être prisonnier d'une machine tentaculaire et anonyme.

Peut-être cela est-il dû au fait que l'axe Paris-Brest est équidistant des pays où se manifeste la sympathique décontraction latine et de ceux où a cours la rigoureuse efficacité anglo-saxonne.

Quoi qu'il en soit, je ne crois pas avoir fait, où que ce soit, plus de cinq minutes de queue en six participations.

Bravo à tous

Ce qui constitue une bonne partie de la magie de Paris-Brest-Paris, c'est la miraculeuse fluidité des relations interpersonnelles: les bénévoles sont pour beaucoup très admiratifs des exploits des randonneurs. Leur gentillesse, leur disponibilité à toute heure du jour et de la nuit stupéfient, réciproquement, les participants.

Expérimenter la qualité et la richesse de ces échanges à quatre heures du matin est une expérience souvent inoubliable. Si seulement cela pouvait arriver une fois, une seule fois par an dans la vraie vie (métro, entreprise, etc.).

À l'occasion de P.B.P. 1999, j'ai proclamé urbi et orbi que cette édition était la dernière pour moi.

Après coup, je me demande si, en changeant ma manière de m'entraîner, et en perdant quelques kilos...

Un grand merci à l'A.C.P. et à tous les autres.

PATRICE MICOLON - N° 2539 - 84 H.11
Abeille de Rueil

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"Le Cyclotourisme, un art de vivre"