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Flèche Paris-Strasbourg (suivie de divers...)

du 7 au 14 août 2010

par Patrice Micolon
http://abeille-cyclotourisme.fr/souvenirs/2010_fleche_paris_strasbourg.html

1er jour : Paris-Arcis sur Aube (145 kms)

Le temps est idéal pour démarrer une flèche, ce samedi 7 août au matin : clair, pas trop ensoleillé et doux. Selon un rituel maintenant rodé, un sac boudinoïde étanche est fixé sous le siège, évidemment du côté où il n'y a pas la chaîne. On n'a pas vérifié (mais on le fera les jours suivants) que les sangles passent entre le cadre et ladite chaîne, et non pas au dessus d'icelle. On a eu tort. Pour anticiper, cela se traduira par un tronçonnage net et sans bavure de la sangle avant même la sortie de la banlieue, et par une réparation prenant la forme d'un bête nœud plat. L'écume des jours, quoi!

Un coup de train et de RER pour me rendre au Pied de cochon, un café et c'est parti. Rien à dire sur la traversée de la banlieue, si ce n'est qu'à Boissy je m'entête à vouloir suivre mon intuition contre l'avis, en général bien documenté, du GPS. Se succèdent donc une route à peu près normale, puis quelque chose qui ressemble à une vague rue, puis des motards qui ont installé un gymkana, puis un chemin étroit et pavé, puis le même empierré, puis le même en herbe, puis un champ de maïs (récemment coupé) Je rejoins tout de même la départementale au jugé. Je crois que c'est la première fois que je vais à travers champs en région parisienne. Arrive Villeneuve le Comte, pointage.

Avec un vent favorable, la vitesse se maintient à un petit 26-28. Certes, au fil des jours le tonus diminuera quelque peu, jusqu'à l'humiliation finale à Paris, entre la gare de l'Est et Saint Lazare : doublé par un vélib. Mais n'anticipons pas.

J'admire sous un magnifique ciel de traîne les paysages de la Brie, pas toujours appréciés à leur juste valeur : grandes étendues, bois, petits villages... Déjeuner à Courgivaux. Arrêté assez tôt pour être le premier assis - et donc servi. Le restaurant est au bas d'une côte (avec un établissement tous les trente kilomètres, on ne fait pas la fine bouche...), je réussis à redémarrer sans me donner en spectacle aux gens en terrasse (c'est à dire sans choir ridiculement ni gésir au sol incongrûment), mais bon sang, quel incroyable effort de volonté il m'a fallu - non pour démarrer en côte sur les cinquante premier mètres - mais pour le faire en prenant cet air dégagé, serein et détaché de tout du type qui affecte de montrer qu'il ne s'est pas rendu compte que ça monte velu...

la_briePetite pause après quelques kilomètres, pour me remettre de tout ça. Je me pose sur une borne. Maintenant en effet, je ne m'allonge plus pour faire une petite sieste comme il y a trente ans. Parce que maintenant, et contrairement à ce qui se passait à l'époque,  deux voitures sur trois s'arrêtent: "Ca va ? Vous vous sentez bien ? Vous voulez qu'on vous dépose quelque part ?" Gentil, mais agaçant, parce que ça renvoie à sa propre finitude créaturelle. Pas plus tard que ce printemps, je me reposais quelques instants allongé sur le siège du bent après une côte assez ardue en me demandant si la rupture de l'aorte abdominale précéderait l'avc ou lui succèderait (bref, les questions de pure routine), un anglais m'a littéralement bloqué avec sa voiture, paraissant penser que dans mon état, il convenait de ne pas me laisser repartir. Je ne me suis dépêtré de sa sollicitude (au demeurant sympathique) qu'au bout de dix minutes, en acceptant une bouteille d'eau dont je disposais par ailleurs en abondance.

Changement radical de paysage à l'occasion de la descente en Seine. Sur le coteau, les vignes de Champagne. En contrebas, l'immense perspective de la vallée. Très impressionnant, parce qu'on ne s'y attend pas. Pointage à Anglure, puis rapidement, c'est l'arrivée à Arcis sur aube, terme des 135 kilomètres prévus aujourd'hui. Arrivée précoce, à 16h30. C'est une bonne heure et demie de mieux que ce dont j'ai l'habitude en vélo droit.

Je discute un peu avec le patron de l'hôtel, dont les affaires vont bien, parce dans un rayon de 20 kilomètres, il y a son hôtel de 8 chambres et les 5 chambres de l'hôtel voisin. Et en ce moment, ce qui marche bien, ce sont les installations d'éoliennes avec des équipes de 3 ou 4 techniciens installés à demeure plusieurs mois d'affilée.

Il me conseille de dîner "chez Anzi". Le couscous d'Anzi est redoutable, parce que délicieux. Donc on le finit jusqu'au dernier grain de semoule. Mais quand on se voit de profil dans les devantures des vitrines en rentrant...

Dimanche 8 août: 2e étape: Arcis sur aube - Autreville (145 kms)

Je récupère d'un retard de sommeil. Je descends à 8h30, alors que j'avais dû insister la veille auprès du patron pour un petit déjeuner à 8 heures (Il avait un mariage). Hypocritement, je fais semblant de rien. Je longe l'Aube pour démarrer, le temps est clair, doux, et le vent favorable. Que demander de mieux ? La route finit tout de même par s'écarter de la vallée, les côtes se font de plus en plus sentir.

eglise_de_boissy_le_francUn coup d'œil à l'église de Boissy le franc, entièrement construite en bois. C'est rapidement Montier en Der, ci-devant BPF et lieu privilégié de pique-nique (dans un jardin public parce que c'est joli, sur un banc, parce que c'est bien pour mes reins, à l'ombre parce que le soleil, ça chauffe et ça donne le mélanome, pas loin de l'épicerie parce qu'il n'y a plus beaucoup de place dans la pointe arrière du VK2 pour promener le repas, et pas loin d'une poubelle parce qu'il y en a marre de retrouver dans ses bagages des vieux trognons de deux jours dont on ne s'est pas débarrassé tout de suite, qu'on a évidemment oubliés et dont on ne détecte la présence qu'à cause de la vague odeur de calva. Je n'ai pas donné dans le piège classique : repartir en oubliant de pointer. Même après vingt ans, je reste traumatisé de m'être aperçu à Saint Père sous Vezelay que je n'avais pas tamponné mon BPF là haut. Rebelote la côte. Ce genre de truc vous marque à vie. Depuis, je reste vigilant.

Quelques kilomètres plus loin, pointage à Wassy, au titre de la flèche. Il faudrait une étude historique pour déterminer si les contrôles des flèches ont été mis exprès à côté des sites BPF au titre des relations traditionnellement, disons pas au top entre l'ACP et la FFCT, ou bien si les flèches datent d'avant le BPF. En attendant, c'est le cyclo qui trinque, au sens étroit du terme d'ailleurs, puisque la randonnée finit par ressembler par certains côtés à une tournée des bistrots.

Changement de relief et de paysages après Chevillon. Finies les grandes plaines, les bois et bosquets font leur apparition. Le GPS me guide toujours de manière fiable. Passage à Bure, un microscopique village dont la taille n'est pas en rapport avec sa notoriété dans les milieux écologico- nucléaires. La route passe devant le Laboratoire de l'ANDRA dédié à l'étude des sites de stockage profond. Une belle côte à deux chevrons après Maxey donne au VK2 l'occasion de s'exprimer, non par sa vitesse, mais par des craquements de carbone au niveau des bases arrière. Je décide de mépriser, fidèlement à ma devise qui concerne également l'électroménager : on attend que ça ne casse pour aviser. Bon, par sécurité, je donne quand même un tour de clé allen sur la liaison base-pattes. Je ne veux pas rééditer l'expérience de 2003 dans le Télégraphe, où ma base arrière ayant lâché, j'ai du redescendre le col avec un cadre qui tenait au ruban adhésif. Le plus traumatisant, c'est quand j'ai fait ressouder mon Singer le lendemain à Saint Michel de Maurienne par un spécialiste des réparations sur wagons de la SNCF. L'électrode faisait deux fois le diamètre de la base!

Arrivée à Donrémy. J'en profite pour me faire jubiler intérieurement à l'évocation du très célèbre mot de Jeanne à ses juges : "Vous ne m'avez pas crue, vous m'aurez cuite". Médiocre, certes, mais on fait avec ce qu'on a sous la main. Je ne vais quand même pas faire un gros détour par le Castorama de Saint Dizier rien que pour pouvoir méditer sur le fait qu'il vaut mieux l'avoir blanche et droite que Black et Decker, ou bien regretter qu'avec la concentration dans la grande distribution, les paysans ne puissent plus aujourd'hui mener la Blanchette au taureau et la Germaine au Mammouth !
A ce stade, évidemment, je dois m'excuser auprès de mes aimables lecteurs pour ces graveleusetés indignes d'un esprit par ailleurs brillant, mais auxquelles je ne sais pas résister davantage qu'un drogué en manque à sa dose de crack.

La fontaine du cru arbore le très classique "eau non potable". Ce qui me met évidemment en rogne : il y a trente ans, aucune fontaine ou presque n'était dans ce cas. Et comme la plupart sont pluricentenaires, ça se saurait si l'eau n'était pas bonne a boire. On sent là l'effet systémique d'une application imbécile du principe de précaution : quelqu'un a dû décider un jour que l'eau des fontaines devait être régulièrement contrôlée, et les maires, pas fous et bien conscients que tous leurs administrés ont l'eau courante à la maison n'ont évidemment pas vu l'intérêt de dépenser des sous pour la seule joie de randonneurs qui n'auront jamais l'occasion de voter pour eux. Il y aurait beaucoup à dire sur les dévoiements stupides du principe de précaution, le premier d'entre eux devant d'ailleurs être qu'il vaudrait mieux rester au lit toute la journée, par crainte des accidents de transport en allant au boulot.

Ceci nous amène à l'étape du jour, à Autreville, et plus précisément un hôtel dont le nom évoque plus le 5 à 7 que le repos du cyclo : "Le Relais rose". Et ça craint effectivement un peu : vélos rouillés dans la cour, odeur de moisi dans les chambres, stores déglingués, papiers peints d'époque fin Auriol - début Coty,  le toujours très sympathique et apprécié : "si vous pouviez me régler ce soir...". Les poutres ne sont pas apparentes, les ressorts du matelas, si. Pour le pompon de la pomponnette, j'hésite entre le porc franchement rosé (bonjour ténia) et le flotteur de la chasse d'eau qu'il a fallu coincer avec le balai de la tinette pour tarir le flot... Enfin, après 145 kilomètres, on dort bien quand même.

Lundi 9 août : Autreville - Col du Donon (125 kms)

Il y a des jours comme ça où on a l'impression que rien ne va : on vient à peine de partir qu'on s'aperçoit qu'on a oublié quelque chose, puis qu'il faut redonner un coup de pompe, puis qu'il faut envisager une pause physiologique...Bref, une heure après l'heure de départ prévue, je suis encore en vue du clocher d'Autreville.

Les choses rentrent peu à peu dans l'ordre. Joyeux vallonnements du côté de Vaudémont, qu'avec l'accord implicite des grands prêtres du BPF et la mention explicite du guide cyclo, j'évite au profit de Saxon. Remontée plein nord pour rejoindre Vezélise et le pointage de la flèche (je ne reviens pas sur la dichotomie flèche-BPF). Ravitaillement express, puis sortie de la ville et de nouveau des vallonnements. Lesquels ne sont pas sans poser de problèmes quant au choix des endroits favorables aux pauses technico-physiologiques : pas en descente (à 70 à l'heure, on ne s'arrête pas sans y laisser la moitié de ses patins à chaque fois). Pas en côte (en vélo couché, vous n'y pensez pas ! Déjà trop heureux de ne pas caler quand on roule, imaginez le cirque pour redémarrer !). Pas au sommet des côtes, parce qu'en général il n'y a pas d'ombre. Une exigence au demeurant un peu mystérieuse : comment peut-on passer trois heures à pédaler en plein cagnard, et vouloir à tout prix de l'ombre pour la malheureuse minute consacrée au pipi ? Tout ça d'ailleurs pour repartir avec trois nouvelles heures de cagnard en perspective...Ajoutez à tout cela un impératif personnel : un appui (genre clôture ou poteau indicateur) pour tenir le vélo droit. Bref la recherche de l'endroit idyllique peut souvent prendre la demi-heure. Et encore,  ne fais-je pas partie de la moitié de l'humanité qui doit ajouter la proximité d'un bosquet dense au cahier des charges !

le_massif_des_vosgesLe temps reste suffisamment clair pour que le regard puisse embrasser au loin le massif des Vosges dans toute son étendue. Restauration express à Bayon (40 minutes café inclus). J'avance toujours : Baccarat (coup d'œil aux vitrines, mais rien qui puisse survivre à 500 kilomètres dans la pointe du VK2), puis Raon l'étape. C'est le début des choses sérieuses : les vraies Vosges, celles avec les sapins qui sapinent posés sur des mamelons qui mamelonnent. Et des côtes. Un détour par Pierre Percée. J'ai le souvenir d'une route incroyablement jolie et pittoresque. Elle est maintenant sous les eaux de la retenue. Redescente pour rejoindre la route du col du Donon qui monte (dommage, mais l'expérience nous apprend qu'en matière de routes de montagne, c'est souvent comme ça). La route du col est d'abord bien (c'est-à-dire à 3-5%), mais se relève insidieusement, pour finir en apothéose à deux chevrons. Là, n'ayons pas peur des mots, je souffre, avec cette exigence cardinale de ne pas descendre sous les 6 km/h, sous peine de mouvements erratiques du guidon qui se terminent invariablement par un coincement du pneu avant par la pédale. Mais même les pires choses ont une fin, et l'hôtel est en vue. Bien organisé, à la germanique serait-on tenté de dire : à la question existentielle "ou  peut-on ranger le vélo ?" posée à la réception, la réponse est: "au garage derrière l'hôtel, attendez devant, on va vous ouvrir". Bon, mais avec les quatre niveaux hiérarchiques impliqués en cascade, et les impératifs circonstanciels ("t'as qu'à y aller, moi j'ai du boulot.."), on poireaute vingt bonnes minutes devant le susdit garage. Pas grave, on est trop content d'être arrivé.

Mardi 10 août : Col du Donon - col du Donon (120 kms)

Au programme du jour, une petite chasse aux tampons. Avec au départ un sentiment de malaise diffus : commencer une journée de vélo par la descente d'un col pour la terminer par la remontée d'icelui, c'est comme commencer un repas par le pousse-café et le dessert. On m'objectera que la vie de couple, et la vie en général sont comme ça : on commence par le plus facile et le plus agréable, mais la différence se fait sur le tard, entre ceux qui décrochent et ceux qui continuent à pédaler/ramer envers et contre tous.
J'entends d'ici le bruissement admiratif de mes lecteurs qui se disent "mais comment peut-on avoir une telle profondeur de pensée, une telle subtilité dans l'analyse, une telle finesse dans l'expression des sentiments les plus ténus... ? "
Eh oui, quand on a la classe, on a la classe !

Lançons nous donc dans la descente. On avait bien visé une route forestière surfant sur les crêtes, mais elle est mal pavée et accessoirement il semble qu'elle soit interdite à tout le monde sauf aux pompiers. Ce sera donc la longue descente de 23 kms, entièrement dans les sapins, le long d'un ruisseau. Avec rien d'autre que la trouée du bleu du ciel dans le vert des sapins. Ce sont des moments durant lesquels on éprouve un intense sentiment de liberté. Un sentiment de liberté assez paradoxal, si on prend la peine d'y réfléchir. Quoi de plus contraint en effet qu'une randonnée cycliste ? On exécute à la minute près ce qu'on a programmé, généralement sans le moindre écart.  On sait qu'on va partir à telle heure, qu'on pointera à tel endroit, qu'on fera une pause ou un repas à tel autre, en buvant et en mangeant ceci et cela, qu'on arrivera à tel endroit à telle heure. Et généralement, tout se déroule conformément aux prévisions...On se donne beaucoup moins de marges de manœuvre qu'à l'occasion de la moindre journée de boulot...

plan_incline_d_arzwillerDeux sévères côtes servent d'amuse-gueule à celle qui conduit à Dabo. Sur place, un café, et une discussion avec un couple de personnes très âgées, visiblement fascinées par le vélo. C'est une caractéristique du vélo couché : un objet transgénérationnel auquel tout le monde s'intéresse. Rapide redescente sur Lützelbourg, non sans un coup d'œil au passage à l'impressionnant plan incliné d'Arzwiller, remplaçant une bonne dizaine d'écluses pour la plus grande satisfaction des plaisanciers. Je renonce au tampon de Haut-Barr, qui me ferait rentrer un peu tard. Il y aura bien d'autres occasions de revenir en Alsace !

chemin_de_ferPour l'heure, je tente de rentrer en empruntant les berges de l'ancien canal, celui avec les écluses désaffectées. C'est dans les moments ou on n'en bénéficie plus qu'on apprécie le GPS : il permet de court-circuiter tout le tremblement : arrêt- descente de vélo- sortie de carte du coffre -dépliage de carte - consultation - repliage de carte - rangement dans le coffre - réinstallation sur le vélo - et (last but not least) - redémarrage. Tous les deux kilomètres, ça fait chuter la moyenne.

Le retour s'opère sans difficulté : les deux grosses bosses puis l'ascension du Col du Donon au cours de laquelle mon fils a le bon goût de m'appeler : devoir s'arrêter sans que cela soit la conséquence d'une décision personnelle motivée par la fatigue, ça sonne comme une glorieuse soumission à ses responsabilités de père, et pas comme une défaite de l'esprit contre le corps.

Mercredi 11 août: Col du Donon - Sélestat (120 kms)

Du côté de Shirmeck, la descente n'est pas très roulante, ou bien je n'ose pas trop serrer les virages, ce qui revient au même. En bas, il faut retrouver la route d'Obernai, ce qui n'est pas de première évidence. Je ne suis finalement pas d'humeur à me hisser jusqu'au mont saint Odile. Comme ça, la prochaine fois, ça fera un doublé avec Haut Barr.

Une belle ascension d'une centaine de mètres (de dénivelé, bien sûr) et c'est la pause boulangerie du matin, à Obernai (dont on ne se lassera jamais, pas plus que de la tarte aux myrtilles). Sur la route de Strasbourg, arrêt à un garage Citroën qui aurait pu s'appeler "au paradis de la 2 cv". Ma première voiture, en 71, était une 2 cv de 57. Autant dire que je lui voue un culte (en clair, je kiffe trop grave mortel). Je ne sais pas encore si pour ma retraite je construirai des vélos couchés ou si je retaperai des 2 cv, en attendant je tombe en arrêt devant un modèle restauré à neuf pour un client belge, un modèle "Sahara" (avec deux moteurs). Les garnitures de sièges sont neuves, tout comme la capote. Une pure merveille. Je questionne donc à mon tour, par un juste retour des choses, et je note mentalement l'adresse du garage.

petite_franceLa banlieue de Strasbourg ne présente objectivement aucun intérêt. Je n'arrive pas à apprécier autant que je le devrais la "Petite France" et la cathédrale : vraiment trop de monde. Il faudrait poser le vélo quelque part et visiter à pied comme tout le monde, traîner un VC dans la foule est vraiment par trop incommode.

Sortie de ville (guère mieux), et c'est la campagne alsacienne, ses jolis villages aux maisons à pans de bois multicolores. Certes, je donne là dans le poncif, mais qu'y puis-je après tout si les villages alsaciens ont de jolies maisons à pans de bois multicolores ?

Je vais au sud jusqu'à Diebolsheim, un BPF répertorié par le guide comme "village fleuri", mais dépourvu du moindre bistrot. La photo de la pancarte fera l'affaire.

Sélestat est rejoint en fin d'après midi. Non sans que cela m'inquiète de manière diffuse, j'ai complètement oublié le nom de l'hôtel. Difficile dans ces conditions de demander aux renseignements téléphoniques. Le hasard me fait passer devant un "Hôtel majuscule". Un flash: c'est bien lui!

Jeudi 12 août: Sélestat - Sainte Marie aux Mines (80 kms).

Ce matin, le temps est à peu près aussi engageant que la perspective d'une conférence de presse conjointe de MM. Besson et Hortefeux consacrée à l'immigration. Effectivement, ça ne tarde pas à tomber dru. Le genre de temps qui vous fait regretter d'être en vacances.

En matière de BPF, on va dans un premier temps se contenter de Riquewihr, dont la rue principale manque un peu d'allure sous la pluie. J'achète un bretzel, histoire de ne pas arborer sur ma carte un tampon qui aurait été obtenu sans flux financier. Il finira à l'état de pâte semi-liquide dans la pointe arrière du VK2. Au point que je compte faire poser un robinet de purge en bas de la pointe. Pour dégazer discrètement en campagne, ce sera mieux qu'au kleenex.

alsacePour Colmar et Neubrisach, ça attendra le prochain week-end en Alsace (la barque commence à se charger dangereusement, avec déjà Haut-Barr et le Mont saint Odile...). Courageusement, j'attaque l'ascension du Haut-Koenigsbourg, pour ainsi dire en tenue de motard, ou, si l'on préfère, de scaphandrier. Il y a quelque chose d'encore plus désagréable que rouler sous la pluie : monter sous la pluie. On se demande si on ne se sentirait pas mieux sans Gore-Tex. Surtout quand un mouvement malheureux du bras vous déverse un demi-litre de flot liquide et glacial sur l'omoplate. On cherche à prendre de la hauteur, à relativiser, à pondérer, à relativiser, à se convaincre que ce sera mieux plus tard : ce n'en est pas moins une abomination.

La pluie cesse au sommet, ce qui cesse par là même d'obérer la qualité des discussions que je puis avoir avec les uns et les autres, surtout en ces hauts lieux de concentration touristique. On arrive avec le temps à définir une typologie des échanges :

Le ciel bleu revient dans la descente qui conduit dans la vallée de Sainte Marie aux mines. L'hôtel est sur la route du col des Bagenelles: toujours ça de moins à monter demain matin.

Epilogue (13 et 14 août)

Les perspectives météo se présentent comme particulièrement abominables pour le week-end. Les deux jours à venir vont donc être consacrées à grappiller ce que l'on pourra des BPF de la région : col de la Schlucht (franchir un col en passant par les crêtes a un je-ne-sais-quoi de déstabilisant: descendre sur le col et remonter après, c'est contre-intuitif et antinaturel). Lac blanc, Gérardmer, Bruyères et finalement Eloyes.

Je prends le train à Epinal, non sans pester contre l'indigence du transport des vélos dans le TGV (trois malheureuses places le long d'une rangée de strapontins). La comparaison est vraiment en faveur de la Deutshbahn. Pas étonnant qu'en juin 40, les allemands n'aient eu besoin que de quinze jours pour venir défiler à Paris! La note agréable du retour, c'est quand il fait un temps de chien à Paris le samedi, et qu'on sait que c'est bien pire dans les Vosges !

Conclusion habituelle : un grand merci au VK2 qui ne m'a pas contrarié autrement que par un abominable bruit de crécelle en côte, à moi même pour ce voyage parfaitement bien organisé, et pour une compagnie extrêmement agréable.

Patrice Micolon

"Le Cyclotourisme, un art de vivre"